Comment concilier respect de l’intimité et obligation de surveillance dans les lieux de privation de liberté ? Comment trouver l’équilibre entre ces exigences contradictoires ? La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) explore dans un nouveau rapport thématique les conditions du respect de l’intimité des personnes privées de liberté en s’appuyant sur des exemples concrets issus de ses visites et des courriers qu’elle reçoit.
Toute décision d’enfermement comporte, de façon plus ou moins explicite, l’autorisation de contrôler la vie des personnes concernées. L’intimité, la capacité de se préserver du regard d’autrui, ne se concilie pas aisément avec la vie collective dans un lieu de privation de liberté. La recherche de la sécurité – prévenir les fugues, évasions, violences contre autrui ou soi-même – peut justifier des atteintes portées à l’intimité mais conduit souvent à négliger ce droit. Les situations sont variables selon les lieux : prisons, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administratives, locaux de garde à vue, centres éducatifs fermés.
Dans les lieux de privation de liberté, l’individu est régulièrement exposé aux regards d’autres personnes dans la même situation que lui ainsi qu’à ceux du personnel qui le surveille ou le prend en charge. Ces regards constituent une source de stress dans un milieu déjà hostile, parfois bruyant ou violent. Et ce d’autant que ces atteintes à l’intimité multiplient les risques d’atteinte à l’intégrité physique et justifient que les professionnels augmentent leur surveillance, dans une spirale infernale. L’intimité peut donc être mise à mal dans de nombreux aspects de la privation de liberté, de manière souvent disproportionnée : conditions d’hébergement – les chambres sont trop rarement individuelles dans les établissements de santé mentale par exemple -, promiscuité, mesures de contraintes, fouilles à corps, correspondances, confidentialité des soins, visites des proches ou encore sexualité.
Extraits du rapport concernant la psychiatrie

« La distribution des médicaments peut être l’occasion d’une exposition du traitement aux regards du personnel et des autres personnes privées de liberté, révélant ainsi des informations sur la santé. C’est le cas en psychiatrie : les médicaments sont fréquemment distribués devant tous, pendant les repas ou à l’entrée de la salle de soins.
« Dans les établissements hospitaliers en psychiatrie, l’absence de verrou de confort dans la plupart des chambres et l’offre persistante de chambres doubles, illustrent la non-prise en compte de la sexualité, tant dans une dimension de protection que dans une dimension d’épanouissement personnel ».

« En psychiatrie, les patients ne peuvent souvent pas fermer à clé leur chambre ni leur espace sanitaire. Ils n’ont pas d’intimité lorsqu’ils se lavent ou se rendent aux toilettes. Dans les chambres d’isolement, les sanitaires, quand ils sont attenants, sont presque toujours fermés et inaccessibles au patient sans en faire la demande aux soignants. Quand les WC sont dans la chambre, ils sont particulièrement exposés au regard, par vision directe (oculus) ou par vidéosurveillance ».
« En psychiatrie, les communications des patients qui ne disposent pas de leur téléphone portable se font soit au moyen de points phones dans les couloirs, soit avec le téléphone du bureau infirmier. Là encore l’intimité des conversations n’est pas garantie »

• Ce rapport, publié le 7 juillet 2022 aux éditions Dalloz, est disponible en librairie. Il sera téléchargeable en intégralité sur le site internet du CGLPL à partir de mercredi 18 août 2022 (délai conventionnel accepté pour ne pas interférer avec les actions promotionnelles de l’éditeur).