Quand le syndrome des jambes sans repos affecte la santé mentale

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Une équipe montpelliéraine vient de quantifier l’importance des symptômes dépressifs et des pensées suicidaires associés au syndrome des jambes sans repos (SJSR), mais aussi de montrer qu’une prise en charge adaptée permet d’améliorer la santé mentale des patients.

Les conséquences de ce syndrome sensitivomoteur des jambes sans repos (SJSR) se manifestant par des « impatiences », des sensations désagréables dans les membres inférieurs (mais aussi parfois dans les bras), principalement ressenties le soir au repos. Cela constitue une cause majeure de troubles du sommeil, avec des réveils fréquents, une insomnie, une incapacité à se rendormir… Les conséquences peuvent être lourdes, comme l’explique le neurologue Yves Dauvilliers*  : « Certaines enquêtes et études cliniques suggèrent que les personnes atteintes du SJSR ont un surrisque de présenter des symptômes dépressifs ou d’avoir des idées suicidaires, notamment celles qui souffrent d’insomnie. Cependant, aucun des travaux conduits jusqu’à présent ne permet d’établir précisément la fréquence de ces plaintes, ni la façon dont le traitement permet de les résoudre. » Avec l’équipe du Centre national de référence narcolepsie hypersomnie, le neurologue a donc décidé de mener une large étude sur le sujet.

« Le SJSR apparaît à l’âge adulte, concerne surtout les femmes et s’aggrave avec le temps. On estime que 2 à 3 % de la population seraient touchés de façon chronique, et 6 à 7 % de façon plus occasionnelle ».

Les chercheurs ont recruté 529 patients atteints du SJSR, non traités. Chacun d’entre eux a été apparié à une personne non atteinte de même âge, sexe et niveau d’études, afin d’éliminer tous les biais d’interprétation liés à ces paramètres. Les deux groupes ont rempli des questionnaires permettant d’évaluer l’existence de symptômes dépressifs et d’idées suicidaires. Tous les participants ont également été reçus par une neuropsychologue pour confirmer les résultats de ces tests. Parmi les personnes atteintes du SJSR, 79 % souffraient d’insomnie, 32,5 % présentaient des symptômes dépressifs et 28 % des idées suicidaires, contre respectivement 8,3 %, 5,5 % et 9,5 % dans le groupe des témoins non atteints.

L’équipe de recherche a conduit une réévaluation de ces symptômes chez les patients, un an après la mise en route d’un traitement personnalisé de leur SJSR. Les troubles du sommeil ainsi que les symptômes dépressifs avaient nettement régressé. « Ce résultat est important car il prouve que la prise en charge adaptée du SJSR permet de réduire les symptômes sensorimoteurs, mais aussi ceux liés à la santé mentale », insiste Yves Dauvilliers. Malheureusement, la fréquence des idées suicidaires est quant à elle restée quasiment inchangée. « Attention, on parle bien d’idées et non de comportements suicidaires. En pratique, notre expérience clinique et la littérature montrent que le passage à l’acte reste rare, et certainement multifactoriel. Cependant, il faut sensibiliser les médecins sur ce risque afin qu’ils soient vigilants sur la santé psychique de leurs patients atteints du SJSR. »

« Ces travaux ont aussi permis d’identifier plusieurs facteurs qui favorisent le risque suicidaire : il semble accru chez les femmes, les jeunes, ceux souffrant d’insomnie, mais aussi ceux qui ont tendance à exprimer de fortes réactions dans des contextes émotionnels intenses ».

In fine, ce travail confirme que les conséquences du SJSR sur la santé mentale peuvent être lourdes. Mais ce ne sont pas les seules complications liées à ce syndrome. Des troubles cardiovasculaires peuvent par exemple apparaître à long terme, parce que la baisse de la pression artérielle que l’on constate normalement durant le sommeil n’a pas lieu chez ceux dont les jambes bougent sans arrêt, le jour et la nuit.

*unité 1298 Inserm/Université de Montpellier, équipe Sommeil, Institut des neurosciences de Montpellier (INM)
• S Chenini et coll. Depressive Symptoms and Suicidal Thoughts in Restless Legs Syndrome. Movement Disorders, édition en ligne du 5 janvier 2022. Doi : 10.1002/mds.28903
• M Manconi et coll. Restless legs syndrome. Nature reviews disease primers 7, 80 (2021). DOI : 10.1038/s41572-021–00311‑z
Lire le communiqué de presse en intégralité « Le fardeau mental du syndrome des jambes sans repos », Inserm 14 février 2022.

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