Isolement-contention : le ministère précise le cadre juridique transitoire

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Dans une fiche adressée aux Agences régionales de santé (ARS), aux fédérations hospitalières et aux membres de la commission nationale de la psychiatrie (CNP), le ministère des Solidarités et de la Santé précise le cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie entre le 1er janvier 2022 et l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions en cours d’examen. Un imbroglio juridique place de fait les établissements dans une situation « inédite et sidérante » selon la Fédération française de psychiatrie.

Le ministère rappelle le contexte :

Dans sa décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021, le Conseil Constitutionnel a jugé que l’article 66 de la Constitution, qui fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle, impose de soumettre à l’intervention systématique du juge judiciaire le maintien à l’isolement ou sous contention, au-delà d‘une certaine durée, des personnes hospitalisées sans consentement.

En conséquence, les troisième et sixième alinéas de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique (CSP), dans leur rédaction résultant de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, ont été déclarés contraires à la Constitution.

La déclaration d’inconstitutionnalité a été différée au 31 décembre 2021. Ces alinéas seront abrogés au 1er janvier 2022 et cesseront de s’appliquer à cette date (voir en annexe l’art. L. 3222-5-1 du CSP).

Le Gouvernement avait prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, de tirer les conséquences de cette décision et d’instaurer le contrôle par le juge des libertés et de la détention du maintien des mesures d’isolement et de contention au-delà d’une certaine durée. Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions dans sa décision n° 2021-832 du 16 décembre 2021, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier social.

Les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel le 16 décembre 2021 ont été réintroduites dans le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire adopté en Conseil des ministres, avec pour objectif une adoption par le Parlement le 15 janvier prochain.

Le cadre juridique en vigueur pendant la période transitoire

Après échanges avec le ministère de la Justice, le cadre juridique en vigueur pendant la période de transition tient compte de l’abrogation des troisième et sixième alinéas de l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique et indique que les dispositions qui continuent à s’appliquer :

– Les deux premiers alinéas de l’article L. 3222-5-1 du CSP, qui prévoient des limites maximales aux durées des mesures d’isolement (48 heures) et de contention (24 heures) décidées par le médecin en fonction de l’état de santé du patient.

– Le cinquième alinéa, qui prévoit que deux mesures distinctes d’isolement ou de contention doivent être espacées d’un délai de quarante-huit heures ; autrement dit, une mesure sera considérée comme nouvelle si elle est espacée d’au-moins 48 heures de la mesure précédente.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’à compter du 1er janvier 2022, aucune mesure d’isolement et de contention ne pourra être légalement maintenue au-delà des durées respectives de 48 heures et 24 heures. En conséquence, aucune disposition législative ne permet au juge des libertés et de la détention d’autoriser le maintien de ces mesures au-delà de ces durées.

Cette limitation dans le temps des mesures d’isolement et de contention n’a pas pour effet de priver le juge des libertés et de la détention de sa compétence à contrôler les mesures d’isolement et de contention que lui reconnaissent :

– le IV de l’article L. 3211-12-1 du CSP pour statuer sur une mesure d’isolement ou de contention lorsqu’il exerce le contrôle d’une mesure d’hospitalisation complète en matière de soins sans consentement et qu’il n’ordonne pas la mainlevée de la mesure.

– le dernier alinéa du I de l’article L. 3211-12 du CSP, qui dispose que le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office à tout moment.

Pour rappel, sur les pièces dont dispose le juge pour statuer : l’article R. 3211-37 du CSP sur la saisine d’office prévoit que le juge demande au directeur de lui communiquer dans les 10 heures suivant la saisine d’office les pièces mentionnées au 2° du II de l’article R. 3211-34, soit les pièces utiles mentionnées à l’article R. 3211-12 ainsi que les décisions motivées relatives aux mesures d’isolement ou de contention dont le patient a fait l’objet et tout élément de nature à éclairer le juge.

Si le JLD reste compétent dans les hypothèses précédemment mentionnées, toute demande de mainlevée ou de maintien d’une mesure d’isolement ou de contention sera déclarée irrecevable dès lors qu’elle n’est plus prévue à l’article L. 3211-12 du CSP.

Les conséquences pour les établissements de santé autorisés en psychiatrie

– La motivation des décisions de recours à l’isolement et à la contention
Il est recommandé aux médecins décidant du recours à l’isolement ou à la contention de veiller à accorder une attention particulière, dans cette période spécifique et dans un objectif de protection juridique, à la motivation des décisions de recours initial et de renouvellement des mesures. Celle-ci doit mettre en évidence, conformément au I de l’article L. 3222-5-1 du CSP, le fait qu’il s’agit d’une mesure de dernier recours, visant à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

La responsabilité des professionnels et des établissements en cas de maintien d’une mesure au-delà des durées légales
Si l’illégalité de la prolongation d’une mesure d’isolement ou de contention au-delà des durées légales susmentionnées devait être constatée par un juge des libertés et de la détention, la responsabilité qui pourrait être éventuellement recherchée à ce titre par un patient serait celle de l’établissement dans lequel ce dernier est accueilli et non pas la responsabilité personnelle du praticien.

Cadre relatif aux mesures d’isolement et de contention en psychiatrie à compter du 1er janvier 2022, ministère des Solidarités et de la Santé, en pdf.

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