Quels enseignements de la crise pour le travail social ?

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Comme la santé, le secteur du travail social a dû rapidement adapter ses organisations en lien avec la covid-19. Dans ce rapport, le Haut Conseil du travail social (HCTS) montre que la crise a été un accélérateur des transitions et un « révélateur des capacités des travailleurs sociaux », qu’il s’agisse des usages numériques, de la dynamique «d’aller vers», de l’agilité pour s’adapter aux contextes… Il émet 12 propositions pour l’avenir de ces professions.

Saisi par six ministres en octobre 2020, le Haut Conseil du travail social (HCTS) a rendu son rapport intitulé  «Le Travail Social au défi de la crise sanitaire: Impact de la crise sanitaire de la COVID-19 sur les organisations et les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux», et récemment mis en ligne sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé. Dans l’urgence et tout au long de la crise sanitaire, les travailleurs sociaux et les structures de l’action sociale se sont mobilisés pour assurer la continuité de l’accompagnement des personnes, notamment des plus vulnérables. Placés au cœur de la crise, aux côtés d’autres professionnels mais moins visibles, ils ont fait face aux conséquences sociales de l’épidémie.

Ce rapport, coordonné par Marie-Paule COLS, ancienne vice-présidente du Haut Conseil du travail social où elle siège actuellement en qualité de personnalité qualifiée, s’est appuyé sur l’audition d’acteurs du travail social (associations professionnelles de travailleurs sociaux, organisations syndicales, employeurs, grandes associations de solidarité, organismes de formation, personnes accompagnées, ministères, élus locaux, universitaires), sur les travaux des comités locaux du travail social (relais du HCTS sur les territoires), sur les groupes de travail thématiques et les conclusions de la commission éthique et déontologie du haut Conseil, et sur une comparaison avec les expériences de pays étrangers.

Le document explore les différents domaines d’intervention des travailleurs sociaux confrontés à la crise et les expériences réussies dans chacun d’entre eux, plus particulièrement ceux des solidarités, de l’enfance et la famille, de l’hébergement d’urgence, de l’autonomie et du grand âge, du handicap, de l’action de proximité, du travail social dans les quartiers. Le rapport formule des recommandations qui s’inscrivent dans la perspective de différents plans gouvernementaux, notamment la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. En effet, la crise sanitaire vient confirmer avec une particulière acuité la pertinence d’axes d’évolution qui permettent une meilleure adaptation du travail social à la situation des personnes aux premiers rangs desquels le développement des coopérations entre les acteurs, le recentrage du travail social sur l’accompagnement des personnes, le soutien des solidarités par le développement social, la démarche «d’aller vers» les populations, la transition numérique et la participation effective des personnes accompagnées à leur parcours d’accompagnement. Ainsi, d’ores et déjà les éléments et préconisations de ce rapport trouvent leur application concrète au plus près des populations et viendront alimenter les évolutions des orientations nationales.

12 préconisations
 1– Reconnaitre le travail social comme pilier de l’Etat social et s’appuyer sur le rôle essentiel des travailleurs sociaux dans l’accompagnement des personnes et des groupes, dans la prévention des risques, dans la régulation des tensions individuelles et collectives consécutives aux situations de crise.
 2– Anticiper l’impact social des crises ou évènement exceptionnel sanitaire, climatique, accidentel, en définissant : 
 - un «commun de la prévention», impliquant tous les acteurs décisionnaires nationaux et locaux;
 - un plan de continuité d’activité national, commun, gradué en plusieurs volets et intégrant notamment le maintien de l’activité des services sociaux.
 3– Prendre en compte la dimension genrée du travail social et reconnaître les travailleuses sociales comme prioritaires pour bénéficier des soutiens visant à leur permettre de conjuguer vie professionnelle et vie personnelle, tout en luttant contre les stéréotypes de genre pour renforcer l’égalité entre les sexes.
 4– Articuler pilotage national et pilotage territorial, préférer un pilotage cohérent et coopératif à un pilotage descendant, sur la base:
 - des compétences, des complémentarités, des potentiels et des initiatives;
 - des 4D : déconcentration (rôle des préfets), décentralisation (rôle des collectivités territoriales), différenciation (singularité des territoires), décomplexification (simplification des circuits de décision).
 5– Pérenniser le principe d’une réserve civique unique déclinée sur les territoires, mobilisable en situation de crise ou de catastrophe, et intégrant un secteur fondé sur les compétences en travail social acquises ou en cours d’acquisition ouvert aux étudiants, travailleurs sociaux actifs ou retraités
 6– Développer des pratiques d’«aller-vers » fondées sur le « prendre soin »(care),dans le cadre d’une démarche pro-active de prévention, en garantissant la liberté de choix des individus sur la base de leur libre consentement.
 7– Reconnaître les capacités d’initiative des travailleurs sociaux et en créer les conditions favorables, par un cadre d’innovation, fondé sur la confiance et le principe de délégation. Afin de leur permettre de développer des pratiques agiles et adaptées aux situations et aux territoires
 8– Recentrer l’intervention des travailleurs sociaux sur l’accompagnement individuel et collectif des personnes et des groupes en facilitant l’accès direct des citoyens à leurs droits et en simplifiant les circuits et procédures
 9– Favoriser un meilleur usage des outils numériques :
 - En équipant les travailleurs sociaux de matériel performant et nomade (smartphone, tablette, ordinateur, VPN);
 - En développant des modalités d’accès au numérique pour les populations en situation de pauvreté: gratuité du Wifi, tarification sociale, don de matériel reconditionné, etc.;
 - En développant le réseau des médiateurs numériques et la coopération entre ces derniers et les travailleurs sociaux.
 10– Organiser des formations croisées sur les territoires entre les travailleurs sociaux et l’Education nationale, la Justice, la Santé, les associations caritatives. Prévoir un cadre juridique permettant l’organisation de formations interinstitutionnelles
 11– Soutenir la fonction des managers de proximité: 
 - par l’organisation de formations à la gestion de crise et de l’accompagnement interne;
 - par l’organisation de formations au management d’équipe à distance;
 - par des délégations de responsabilité concourant à la simplification des circuits
 12– Rendre effectif le volet interministériel du HCTS permettant d'incarner la dimension transversale du travail social, de rompre avec son morcellement, de donner une lisibilité et une cohérence au secteur, ce qui permettrait d’engager une réelle évolution de sa place dans les politiques sociales 

Le travail social au défi de la crise sanitaire : impact de la crise sanitaire de la covid-19 sur les organisations et les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux. Rapport coordonné par Marie-Paule Cols à la suite de la saisine interministérielle du 5 octobre 2020, en pdf