Des députés demandent une «légalisation encadrée» du cannabis

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La mission d’information relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis, présidée par Robin Reda et dont le rapporteur général est M. Jean-Baptiste Moreau, a adopté le 5 mai 2021 le rapport thématique de Mme Caroline Janvier consacré au cannabis dit « récréatif ». Faisant le constat de l’échec de la politique répressive menée depuis 50 ans, tant en termes de sécurité que de santé publique, et constatant l’évolution de l’opinion publique, le rapport se prononce en faveur d’une légalisation encadrée du cannabis et propose de lancer un grand débat national sur ce sujet.

Pour rappel, la mission avait pour objectif de couvrir les trois types d’usage du cannabis (thérapeutique, bien-être et récréatif) et d’explorer les enjeux qui touchent la filière du chanvre. Elle a d’abord consacré ses travaux au cannabis thérapeutique, publiant un premier rapport d’étape le 16 septembre 2020, puis au « chanvre bien-être »  (cannabidiol, composé du cannabis sans effet stupéfiant), publiant un deuxième rapport d’étape le 10 février 2021.

La mission a engagé des auditions de l’ensemble des acteurs du dossier : magistrats, policiers, addictologues mais aussi élus locaux ou personnalités politiques sur cette troisième thématique liée au cannabis dit « récréatif » depuis novembre 2020.

En outre, la mission d’information, considérant que « cette réflexion ne peut être envisagée sans une écoute attentive des attentes des citoyens », a organisé entre le 13 janvier et le 28 février 2021 une consultation citoyenne sur le sujet. Le but de cette consultation était de mieux comprendre la perception du cannabis qui est aujourd’hui celle des Français et leur vision de l’avenir des politiques publiques en la matière. 253 194 personnes ont pris le temps de répondre aux questions.

Constats d’échec…

Le rapport fait le constat « d’un échec de la politique répressive » qui « coûte cher et mobilise à l’excès les forces de l’ordre sans pour autant contribuer, même de manière marginale, à la résorption de l’usage et du trafic de cannabis ». Cette politique qui se fonde sur un dispositif pénal répressif ne permet pas de limiter la consommation : « la France est aujourd’hui le plus gros consommateur de cannabis au sein de l’Union européenne » indique le rapport, et rend difficile la définition d’une politique sanitaire, notamment à destination des jeunes.
En outre, le rapport met en lumière la déstructuration sociale des quartiers où se déroulent les trafics, sources d’insécurité. La mission d’information tient à lever « le mythe » d’un trafic offrant à certains quartiers défavorisés une manne sur laquelle repose la paix sociale.

Depuis la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, la France réprime à la fois le trafic et la consommation de stupéfiants.
La réponse pénale quasi systématique (le taux de réponse pénale est supérieur à 97  %) se traduit par un « recours massif  » aux alternatives aux poursuites et aux ordonnances pénales. En 2018, les rappels à la loi et les ordonnances pénales représentaient plus de 50  % des affaires poursuivables. En matière de trafic ce sont 26  % des affaires poursuivables qui se traduisent par des rappels à la loi.
Le cadre pénal actuel « n’est pas propice à une politique de santé publique » constate le rapport. De fait, les pouvoirs publics sont dotés d’outils en matière de lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme alors qu’aucun dispositif équivalent n’existe en matière de cannabis. Le rapport appelle à changer de paradigme afin de considérer la personne ayant une consommation problématique non pas comme un délinquant mais comme quelqu’un à accompagner.

Des questions complexes et sensibles

Les rapporteurs se positionnent en faveur de la légalisation du cannabis. Ils ne proposent pas de solutions « clefs en main » mais souhaitent élargir le champ de la discussion et ouvrir des questions « complexes et sensibles ». Le rapport précise que les réponses apportées à ces questions auront des effets différents sur chacun des objectifs identifiés.
L’objectif du rapport est de permettre un débat qui permettra de définir un « modèle français de légalisation réglementée » qui tienne à la fois compte des succès et des échecs des expériences étrangères et des spécificités politiques, historiques et culturelles de notre pays.

Voir la présentation de la mission en vidéo, accéder au rapport d’étape en pdf