Après la deuxième vague de Covid-19 : l’avis du Conseil scientifique

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Différentes options stratégiques sont envisagées par le Conseil scientifique Covid-19 en vue de l'après-deuxième vague. Parmi elles, celle de type on-off avec des restrictions successives variables sur les territoires et pour des durées limitées. Extrait de la note du 28 octobre 2020.

La pandémie Covid 19 va durer dans le temps.

A. Durée de la 2ème vague
1. Il est très difficile de prévoir combien de temps va durer la 2ème vague, car cela dépend du virus lui-même, de son environnement climatique, des mesures qui vont être prises pour limiter la circulation du virus, de leur acceptation et donc de leur impact. On peut faire une hypothèse d’une sortie de 2ème vague en fin d’année ou début d’année 2021. Cette sortie devrait s’accompagner d’un retour de la circulation du virus à un niveau très contrôlé (5 000 à 8000 nouvelles contaminations par jour maximum). Ce contrôle permettrait de mettre en oeuvre une stratégie offensive de « Tester-Tracer-Isoler » avec une plus grande chance de succès.

2. Il faut en effet commencer à tirer des leçons du relatif échec de la stratégie « Tester-Tracer-Isoler » durant la période de mai à septembre 2020. C’est la seule stratégie, couplée aux mesures de distanciations physiques, qui permet un contrôle possible de la circulation virale comme cela a été montré dans un petit nombre de pays d’Asie du Sud Est. Il est donc essentiel de profiter de la période de « contrôle dur » de l’épidémie qui pourrait s’installer pour optimiser cette stratégie en particulier la partie « Tracer-Isoler » dont les moyens doivent être largement augmentés, en particuliers en effectifs humains avec les équipes mobiles « brigades », et sur la mise en place de l’application « Tous Anticovid » sur une large fraction de la population, ainsi que sur l’application d’un isolement de 7 jours accompagné d’ « incentives » (voir Avis du Conseil scientifique sur l’isolement, septembre 2020).

3. La place des médecins généralistes et d’une façon générale des professionnels de santé (pharmaciens, professions médico-sociales…) doit être beaucoup plus importante durant cette 2ème vague, mais également à son décours, qu’elle n’a été durant la première partie de la crise : dans la prise en charge des patients en amont des hôpitaux mais aussi dans le dépistage. L’utilisation des tests de diagnostics antigéniques doit pouvoir être réalisée de façon large en dehors des laboratoires de biologie.

B. Des vagues successives ?
Néanmoins, il est probable que ces mesures même optimisées ne suffiront pas pour éviter d’autres vagues, après la deuxième. On peut ainsi avoir plusieurs vagues successives durant la fin de l’hiver/printemps 2021, en fonction de différents éléments : état climatique, niveau et efficacité opérationnelle de la stratégie Tester, Tracer, Isoler.
1. En effet, l’immunité en population va mettre de nombreux mois à monter de façon significative et commencer à ralentir la rapidité de la circulation du virus en population générale. Le confinement volontaire de la population à risque peut être responsable paradoxalement d’un niveau plus faible d’immunité pour cette population. On ne sait par ailleurs pas exactement pendant quelle durée (6 mois, plus ?) les personnes déjà atteintes par le COVID auraient une immunité protectrice. On entre ainsi dans la gestion de vagues successives de recrudescence (non tributaires d’un caractère saisonnier exclusif) jusqu’à l’arrivée des premiers vaccins et/ou traitements prophylactiques (2ème trimestre 2021 ?). Il y a donc devant nous de nombreux mois avec une situation extrêmement difficile.

2. On peut envisager une stratégie de type « on/off » avec des mesures de restrictions successives, variables selon les territoires et pour des durées limitées, entrecoupées de mesures plus « libérales ». Est-ce possible sur le long terme ? Les Français accepteront-ils une telle stratégie, est-ce viable économiquement ? Les questions sont posées et n’ont pas de réponses à ce jour.

3. Une dernière stratégie consisterait, une fois le contrôle de la circulation du virus rétabli (5000 contaminations par jour), à maintenir le virus à un taux inférieur à ce seuil, en suivant une stratégie de suppression de la circulation virale comme l’ont effectué plusieurs pays d’Asie, le Danemark, la Finlande et l’Allemagne. Cette stratégie implique des mesures fortes et précoces à chaque reprise épidémique. Elle est cependant la meilleure garante du maintien de l’activité économique dans l’attente de l’arrivée d’un traitement et surtout d’un vaccin espéré pour le deuxième semestre 2021. Elle peut s’appuyer sur une évaluation des risques tant au plan individuel que populationnel avec une vision de « gestion de risques ».

C. Des enjeux sanitaires, mais aussi sociétaux et économiques majeurs
Il est essentiel que l’on commence à penser à d’autres modalités de vivre avec le COVID sur le long terme et que les choix puissent s’appuyer sur une vision issue de la société civile et non pas seulement sur les orientations données par les experts pour éclairer les décisions des autorités. Il faut rappeler qu’a été demandé à plusieurs reprises par le Conseil scientifique la création d’un « Comité de liaison citoyen » dans des modalités à définir. Il n’est pas trop tard pour le mettre en place.
Les conséquences économiques vont, dans la durée, entrainer des situations dramatiques au plan social touchant différentes catégories de la population, et en particulier les populations les plus défavorisées, et ce malgré des aides importantes. Ces conséquences économiques auront-elles-mêmes des conséquences sanitaires indirectes, sur des pathologies non liées au Covid. Le Conseil scientifique est également sensible aux difficultés d’adhésion aux mesures de restriction par une partie de nos concitoyens, notamment lorsqu’ils en subissent directement les effets ou qu’ils en mettent en doute la logique, la cohérence, ou la portée.

La société française est-elle prête à consacrer une partie importante des moyens de santé au COVID-19, éventuellement au détriment de la prise en charge d’autres pathologies, avec comme conséquences des pertes de chance pour des pathologies COVID ? A l’inverse, la société française est-elle, prête à affronter un nombre de décès très élevé dans sa population la plus fragile et la plus âgée ?

L’approche associant des mesures collectives à un principe de responsabilité individuelle est largement mise en avant, Sera-t-elle possible dans la durée et en cas de plusieurs successions de vagues ?
Les enjeux sociétaux et éthiques, ayant de fortes implications pour différentes catégories de la population, doivent faire l’objet de réflexions et de discussions, même si elles peuvent être difficiles et sources de tensions, afin de tenter d’avoir une meilleure vision collective de nos objectifs à la sortie de la 2ème vague.

Une deuxième vague entrainant une situation sanitaire critique, Note du Conseil scientifique COVID-19, 26 octobre 2020