Les Centres Locaux de Santé Mentale à l’heure du Covid-19

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Une enquête réalisé auprès des Centres Locaux de Santé Mentale (CLSM) sur l’état de santé mentale de la population générale, des personnes vivant avec un trouble psychique et des personnes vulnérables, ainsi que sur le niveau d’action des CLSM pendant le confinement montre comment la solidarité s'est organisée et dégage des pistes pour l'avenir.

Au cours de cette période inédite de confinement de l'ensemble de la population française en période de pandémie COVID-19, le Centre national de ressources et d’appui aux CLSM Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) a développé très rapidement des outils pour appréhender le retentissement de cette crise sanitaire sur le fonctionnement de cette plateforme d’échanges, de coopération et de démocratie sanitaire que sont les CLSM.
Dès le début de la crise, un appel à communication des actions et des retours d'expérience des CLSM relatives à la prévention de l'impact du confinement sur la santé mentale a été mené. La conduite d'un groupe de travail a ensuite permis d'interroger les coordonnatrices et coordonnateurs des 244 Conseils locaux en santé mentale sur les conséquences actuelles de la crise du COVID-19 sur leur territoire.
L’évaluation a porté à la fois sur l’état de santé mentale de la population générale, des personnes vivant avec un trouble psychique et des personnes vulnérables, ainsi que sur le niveau d’action des CLSM, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Le CCOMS a ainsi organisé, le 27 avril, un groupe de travail réunissant 6 coordonnatrices et coordonnateurs de CLSM1. Celui-ci a permis de dégager les questions essentielles, de les mettre en forme et de mener une enquête en ligne par auto-questionnaire auprès de l’ensemble des coordonnateurs des CLSM (questionnaire comptant 24 questions auquel 102 coordonnateurs – sur 178 répertoriés pour 244 CLSM – ont répondu).

Une crise révélatrice des déterminants sociaux de santé
Les conseils locaux de santé mentale ont été les témoins de la crise du COVID-19, qui a amplifié les situations difficiles des populations précaires, des familles monoparentales, des personnes âgées, ainsi que les violences vis-à-vis des femmes et des enfants. Ils ont aussi été témoins de la fracture numérique, des conséquences de la distanciation physique et de la promiscuité des logements. Ils ont constaté l’accentuation des précarités, la mise en danger du lien social, le renoncement aux soins, la diminution des interactions, les syndromes de glissement, et bien d’autres constatations, particulières à chaque territoire, mais qui rejoignent les données nationales globales.

Les aspects positifs de la solidarité
Face à cela, des aspects positifs ont été rapportés : la mise en place de solidarités a été maintes fois citée comme remède à l’obligation de distanciation « sociale », justement renommée distanciation physique par la société civile ; les ressources insoupçonnées de la population ; la diminution de l’angoisse et du stress engendrés par nos modes de vie actuels ; de nouveaux modes d’action permis par les technologies de l'information et de la communication, pour les personnes qui y ont accès. Autres éléments positifs : la prise de conscience du besoin des services publics comme éléments centraux du lien social, l’importance des déterminants sociaux sur la santé et le fait que la santé mentale concerne toutes les citoyennes et tous les citoyens, et pas uniquement celles et ceux vivant avec des troubles psychiques.

Décloisonnement et démocratie sanitaire
Malgré les difficultés inhérentes au cloisonnement des institutions et des personnes confinées, dans leur très grande majorité, les CLSM répondants à notre enquête ont maintenu leur fonctionnement, avec une forte mobilisation de la psychiatrie publique, des services sociaux, des élu(e)s, des représentants des usagers, des familles ainsi que des services sociaux. Dans plus de 56% des CLSM répondants, des actions de décloisonnement ont été mises en place, la mission d’interface a été malgré tout préservée, la communication grand public maintenue. Les outils numériques ont été utilisés par 49 % des CLSM répondants, de nombreuses lignes d’écoute et de soutien psychologique ont été mises en place, 57 % des CLSM répondants ont mis en oeuvre des actions pour les personnes les plus fragiles ; les informations sur les ressources locales et territoriales ont été d’un grand secours.

Pistes pour l’avenir
A partir de cette expérience, près de la moitié des CLSM envisagent d’organiser des actions ciblées destinées aux habitants des Quartiers prioritaires de la politique de la Ville, en particulier auprès des jeunes ou pour réduire la fracture numérique.

Les coordonnatrices et coordonnateurs émettent aussi quelques préconisations à partir des premières leçons tirées de ce début de crise.

– Tout d’abord, remettre en oeuvre les diagnostics territoriaux de proximité pour comprendre et orienter les actions, analyser les réelles retombées de cette période en s’appuyant sur des informations fiables, partageables avec la population, et éviter d’être démunis à l’avenir.

– Ensuite, sensibiliser et former à la santé mentale les acteurs des villes et des quartiers ;

développer les actions partenariales qui permettent « d’aller vers » les habitantes et les habitants, en impliquant les services psychiatriques et sociaux ;

mettre en place des dispositifs de débriefing post-traumatique, avec une attention particulière aux professions soignantes, aux personnes directement exposées au virus et aux aidants ; et assurer le suivi essentiel des personnes âgées.

– Il apparait également utile de promouvoir le développement de l’utilisation des outils numériques tant au sein des partenaires des CLSM que dans les écoles ;

diffuser des applications fiables de promotion de la santé mentale et de gestion du stress ;

créer des postes d’ambassadeurs du lien social ou de médiateurs de santé et médiateurs numériques.

– Enfin, pour les Semaines d’information sur la santé mentale, reportées du fait de l’épidémie, il est suggéré de programmer des actions articulant la thématique « Santé mentale et discrimination » et les expériences vécues dans ce contexte de pandémie COVID-19.

Investir collectivement pour la santé mentale dans la cité
Les CLSM ont continué à être actifs malgré la mise en danger de leur existence induite par la pandémie. Ils ont essayé de décloisonner les actions des acteurs locaux, ont permis le dialogue entre habitants, élus, service sociaux et services de psychiatrie, pour lutter ensemble contre les effets des déterminants négatifs de santé et tenter de mieux vivre ensemble dans la société confinée. Ils ont fait de leur mieux pour accompagner et protéger les plus vulnérables, en prenant en compte la santé globale physique et psychique de la population et en mettant en exergue les multiples actes de solidarité.
Le 13 mai 2020, l’Organisation des Nations Unies a lancé un appel aux Etats, les exhortant à prendre en compte l’impact de la pandémie sur la santé mentale des populations. Son secrétaire général, M. Guterres, a déclaré que les services de santé mentale «sont un élément essentiel de toutes les réponses des gouvernements à la pandémie COVID-19. Ils doivent être élargis et entièrement financés (…). Alors que nous nous remettons de la pandémie, nous devons fournir davantage de services de santé mentale aux communautés et nous assurer que la santé mentale est incluse dans la couverture sanitaire universelle». Il a enfin appelé les Etats à proposer, lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé, des actions concrètes pour traiter les problèmes de santé mentale accentués par la pandémie.
Cette crise a mis en évidence l’importance de la santé pour le fonctionnement même des communes, et l’importance des actions des élus, des politiques publiques locales, des services sanitaires et sociaux et des citoyennes et citoyens pour préserver la santé et le fonctionnement même de la société. Comme l’affirme l’OMS, il n’y a pas de santé sans santé mentale. Les conseils locaux de santé mentale, malgré l’adversité liée à l’épidémie, ont montré et montreront encore plus dans un avenir proche leur
impérieuse nécessité, partout sur le territoire national.

État des lieux national des CLSM en période de confinement & conséquences observées par les coordonnateurs dans les Quartiers prioritaires, 18 mai 2020, Centre national de ressources et d’appui aux CLSM Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS)