La CGLPL dénonce des sédations sous contrainte à la prison de Rémire-Montjoly (Guyane)

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Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) publie en urgence au Journal officiel du 31 janvier des recommandations au Centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane). Outre une surpopulation chronique, des conditions d'hébergement indignes et une hygiène désastreuse, le contrôleur dénonce « des pratiques critiquables pour lutter contre le climat de violence ». Parmi elles, des sédations sous contraintes en cellule.

Lors de sa visite au centre pénitentiaire (CP) de Rémire-Montjoly (Guyane), du 1er au 12 octobre 2018, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a constaté un nombre important de dysfonctionnements graves, « dont la réunion permet de considérer que les conditions de vie des personnes détenues constituent un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » précise le contrôleur. Malgré des recommandations émises à l’issue de la première visite du CGLPL dans cet établissement en 2008, la situation s’est encore dégradée. Ces nouvelles recommandations concernent plusieurs aspects.

– Une surpopulation chronique. Malgré une réduction notable de la population pénale passée de 907 personnes détenues le 31 décembre 2016 à 736 en octobre 2018 pour 614 places, le taux d’occupation moyen de l’établissement reste de 125%. D’importantes disparités sont relévées suivant les quartiers. « La surpopulation ne permet pas une prise en charge respectueuse des droits fondamentaux des personnes détenues. Malgré le projet annoncé de construction d’un deuxième établissement pénitentiaire en Guyane pour résorber globalement la surpopulation pénale, il est impératif d’enrayer le surpeuplement du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly. La suppression des encellulements à six personnes doit être une priorité. »

– Des conditions d’hébergement indignes et une hygiène désastreuse. Les bâtiments, conçus avec des matériaux inadaptés, sont soumis aux contraintes climatiques spécifiques du territoire (humidité, pluies torrentielles, tempêtes…) : les grilles et objets métalliques sont rongés par la rouille et les peintures se décollent par lambeaux. Les cellules, insalubres, sont dans un état de saleté inquiétant, les sanitaires sont altérés par les moisissures et n'offrent aucune intimité. (…) Les hommes détenus se lavent dans les douches des cours de promenade qui sont dans un état déplorable et exposées à la vue de tous. Ceux qui ne se vont jamais en promenade peuvent théoriquement utiliser les douches intérieures mais leur état de dégradation est tel qu’ils préfèrent se laver avec une bassine d'eau froide en cellule. « La rénovation du centre pénitentiaire de Guyane est une urgence, notamment en ce qui concerne les locaux d’hébergement et les cours de promenade. Des mesures de désinsectisation, de dératisation et d’éloignement des hirondelles doivent être mises en œuvre immédiatement. »

– Un climat de violence extrême dans un contexte d’inactivité généralisée. L’établissement présente la prévention de la violence comme une priorité mais les mesures mises en œuvre ne sont pas à la hauteur des enjeux et le plan de prévention de la violence initié en 2015 n’est plus aussi activement investi.

– Des pratiques critiquables pour lutter contre le climat de violence

Le contexte de violences donne lieu à un très grand nombre de fouilles, notamment des fouilles aléatoires à la sortie des parloirs et en détention. En bâtiment, les fouilles intégrales sont effectuées dans les douches intérieures, dans des conditions dégradantes. Pour la CGLPL, « Les fouilles à corps ne doivent être pratiquées que dans les situations prévues par la loi, sur le fondement d’une décision motivée et seulement lorsqu’elles sont nécessaires ; elles doivent être proportionnées au risque identifié. La multiplication des fouilles sans justification et sans traçabilité doit immédiatement cesser. »

Des formes diverses de confinement se multiplient (ailes de détention réservées aux personnes « difficiles », régime de détention plus strict dans certaines cellules, quartier pour personnes vulnérables) sans les garanties rattachées au placement au quartier d’isolement et sans aucun contrôle.

En réponse à des situations de violence ou d’agitation, 26 sédations sous contrainte ont été pratiquées en cellule, de janvier à octobre 2018. Lorsque la vie ou l’intégrité physique d’un patient est menacée, il est admis que des soins sans consentement et en urgence puissent être dispensés mais ceux-ci doivent être immédiatement suivis d’une surveillance en milieu médical ou d’une hospitalisation. Or sur cette même période, le recensement des admissions en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État à partir de l’établissement pénitentiaire ne fait état que de dix admissions, les seize autres personnes étant donc restés en cellule. Le CGLPL rappelle que « Des injections sous contrainte ne peuvent être effectuées que si une situation clinique l’impose ou si l’intégrité physique de la personne risque d’être menacée ; une hospitalisation doit immédiatement s’ensuivre. La pratique actuelle doit cesser. »

Plus globalement, les recommandations indiquent que « le centre pénitentiaire de Guyane ne présente pas les conditions permettant d’accueillir la population pénale dans le respect de ses droits fondamentaux. Une réorganisation du fonctionnement de l’établissement est nécessaire, notamment pour faire cesser le climat de violence. »

  • Recommandations du 17 décembre 2018 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application de la procédure d’urgence (article 9 de la loi du 30 octobre 2007) relatives au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane). Journal officiel du 31 janvier 2019.  Images : Cellules et douches dans la cour au CP de Rémire-Montjoly © CGLPL