L’équipe médicale des Thermes de Saujon, station spécialisée dans les troubles anxieux, coordinatrice de plusieurs études (STOP-TAG et SPECTh), a décidé cette fois d’évaluer l’influence de la détente et du lâcher-prise pendant la cure sur l’évolution des signes cliniques de l’anxiété à court et moyen terme.
Cette expérimentation, dont les résultats ont été présentés récemment au Congrès de la Société Française de Médecine Thermale, a permis de définir pour la première fois ce qu’était un niveau satisfaisant de lâcher-prise et de valider la corrélation entre ce mode de détente, pendant la cure, et l’amélioration clinique à 4 mois des curistes, sur l’anxiété, la douleur (nombre de points et intensité) la qualité du sommeil et l’asthénie. On constate que l’action thérapeutique de la cure se manifeste prioritairement par l’accès au lâcher-prise si difficile à obtenir chez ces patients anxieux dans le cadre de leur vie quotidienne. Ces résultats offrent également des pistes de réflexion pour optimiser les conditions favorables à un meilleur lâcher-prise pendant la cure.
La définition du stress, telle que définie par Hans Selye, en 1956, est l’association de 3 facteurs : un agent stresseur, une réaction biologique et un processus psychologique d’adaptation. A Saujon, la cure thermale, répond de manière complète à ces 3 mécanismes du stress : elle permet de se soustraire aux facteurs de stress, de bénéficier des effets sédatifs des soins thermaux prodigués au corps, et de travailler sur les comportements et cognitions par des approches psychoéducatives et TCC. La cure peut être appréhendée comme une immense séance de relaxation de 3 semaines !
Les objectifs de l’étude
Cette étude a été réalisée à partir d’un échantillon de 27 patients évalués sur une période de 4 mois après la cure. Les objectifs consistaient à :
* Etudier les niveaux de détente des curistes et leur évolution au cours de la cure afin de proposer une définition du lâcher-prise pouvant être utilisée d’une manière standardisée.
* Etudier l’évolution des signes cliniques : anxiété, fatigue, tension intérieure, troubles de concentration et de la mémoire, troubles sensoriels, …à court et moyen terme.
* Rechercher une éventuelle corrélation entre un bon niveau de lâcher prise lors des soins quotidiens et une amélioration clinique à court et moyen termes (en fin de cure et 4 mois après).
* Identifier parmi les caractéristiques socio-économiques et les antécédents des curistes des facteurs pouvant influencer l’accès au lâcher-prise.
* Proposer des pistes d’amélioration de l’offre thermale pour mieux répondre aux besoins des curistes
Les outils d’évaluation utilisés ont fait appel, d’une part, à des techniques standardisées et publiées dans la littérature pour l’échelle HAD évaluant l’anxiété et la dépression, à des outils tels que les EVA, et d’autres construits spécifiquement, pour évaluer la douleur et son intensité. Chaque curiste disposait d’un tableau avec 4 niveaux de détente possibles, et devait cocher, quotidiennement, après les soins, le degré de détente atteint. Le recueil de données a été réalisé par le médecin investigateur sur site, puis par téléphone 6 semaines après puis 4 mois après.
Le lâcher-prise, un terme sociétal bien connu, mais un concept médical ignoré
Plus le monde actuel impose maîtrise, obligation de performance et d’organisation, plus le terme « lâcher-prise » est proposé comme moyen d’y faire face. Le lâcher-prise est avant tout une expérience corporelle. Il consiste à la fois en un processus physique de relâchement des tensions mais également une mise au repos des défenses psychiques, lorsqu’elles deviennent excessives ou néfastes.
Cette étude a permis de définir le « lâcher-prise » comme l’accès à une sensation de détente importante, pouvant aller jusqu’à l’état d’endormissement pendant les soins d’hydrothérapie, obtenu au moins 7 fois pendant la première ou la seconde moitié de cure (chacune de ces périodes comportant 9 jours de soins). A noter que 70 % des curistes ont ressenti cet état de relâchement sur une période d’au moins 9 jours.
Selon Olivier Dubois, médecin psychiatre et Directeur des Thermes de Saujon « Il est fondamental dans notre société, centrée sur la performance et le perfectionnisme d’avoir accès à des espaces de totale vacuité où l’objectif premier est de solliciter à minima nos pensées. Notre objectif thérapeutique est que les curistes puissent se désencombrer d’un vécu trop lourd et réinitialiser une pensée plus libérée ».
Résultats(1)
L’analyse finale montre que :
* Les patients n’ayant pu lâcher-prise ont une légère accentuation de leur anxiété de + 2 % au bout des 4 mois.
* Les patients qui ont pu « lâcher-prise » seulement en 2è partie de cure ont été cliniquement améliorés au niveau de leur anxiété de 24 % à 4 mois.
* Les patients qui ont pu « lâcher-prise » dès le début de leur cure ont vu leur perception de l’anxiété se réduire de 52 %, 4 mois après la cure.
Par ailleurs, l’étude montre qu’en fin de cure, une amélioration significative de l’anxiété, de la dépression, de la tension intérieure, de la sensation de bien-être, et de la qualité du sommeil est obtenue, plus particulièrement chez les patients qui ont lâché prise pendant la cure. Ces améliorations sont également plus importantes, à moyen terme. Ces résultats sont aussi à court terme en faveur d’un lien statistique entre le lâcher-prise et une diminution plus importante de la sensation douloureuse. L’âge, l’activité, l’antériorité des symptômes ne sont pas des facteurs qui influencent le degré de détente atteint pendant la cure. A l’inverse, pour les curistes ayant déjà réalisé une ou plusieurs cures l’accès au lâcher prise semble plus facile.
Enfin, il est remarquable de noter que plus les patients « lâchent prise » précocement, plus les résultats sont nets et prolongés.
(1) Résultats présentés au dernier congrès de la Société Française de Médecine Thermale et à paraître dans le prochain numéro de la Presse Thermale et Climatique (édition 2018).
Conclusions
Pour Olivier Dubois, « l’accès au lâcher prise, terme sociétal bien connu, mais concept médical ignoré, est sans doute le mécanisme thérapeutique le plus spécifique de la cure puisqu’il permet enfin au patient épuisé, trop sollicité affectivement voire psychologiquement, d’abandonner, au moins passagèrement, ses mécanismes de défense pour se recentrer sur lui-même et laisser son corps prendre le relais dans une douce, naturelle et durable régression thérapeutique. En travaillant sur notre qualité d’accueil, d’organisation et notre offre de soins, nous réunissons, à Saujon, les conditions les plus favorables pour atteindre ce lâcher-prise ».