Rapport bénéfice/risque négatif du baclofène dans l’alcoolo-dépendance

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Dans le cadre de l’instruction de la demande d’AMM pour baclofène, l’Agence nationale de sécurité du médicalment et des produits de santé (ANSM) publie l’avis du Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) chargé de l’évaluation du rapport bénéfice/risque du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Compte tenu d’une large utilisation du baclofène dans le cadre de la Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) ou hors RTU,  cette analyse doit être complétée par une approche pluridisciplinaire et par l’audition des praticiens ainsi que des patients utilisant ce médicament dans l’alcoolo-dépendance.C’est pourquoi l’ANSM réunira les 3 et 4 juillet 2018 une commission ad hoc temporaire, composée de membres issus des trois commissions consultatives  de l’ANSM. Lors de cette Commission, les sociétés savantes et associations de patients concernées seront donc auditionnées de manière à disposer d’un éclairage global. Ces auditions seront diffusées en direct sur internet.

Concernant l'efficacité du baclofène dans la réduction de la consommation d'alcool chez les patients adultes présentant une dépendance à l’alcool et une consommation d’alcool à risque élevé, la diminution de la consommation d’alcool à 6 mois attribuée au baclofène par rapport au placebo a été estimée à 11g/jour (critère secondaire de l'étude ALPADIR, résultat non statistiquement significatif) et à 6g/jour (critère principal de l'étude BACLOVILLE, résultat statistiquement significatif), ce qui représente environ 7% de la consommation initiale moyenne. Compte tenu des limites méthodologiques importantes de ces 2 études, y compris leur faible puissance statistique, la forte proportion de données manquantes et le nombre important d’abandons en cours d’étude, la robustesse de ces ré sultats ne peut pas être garantie. Par conséquent et compte tenu de la taille modeste de l'effet, la pertinence clinique de ces résultats est discutable. De plus, aucune relation dose-effet permettant de définir une plage thérapeutique optimale n'a été montrée. Parmi les autres résultats d'efficacité, aucune différence par rapport au placebo n'a pu être établie, en particulier pour l'abstinence continue après 6 mois de traitement (critère principal de l'étude ALPADIR).
La composante obsessionnelle/compulsive de l’envie de boire (‘craving’) était le seul résultat qui amontré une amélioration significative avec le baclofène dans les deux études comparativement au placebo.

Concernant la sécurité du baclofène, la fréquence des événements indésirables a été plus élevée avec le baclofène qu'avec le placebo, et cela concernait les principaux événements indésirables généralement associés à son utilisation : troubles psychiatriques et du système nerveux, asthénie,troubles gastro-intestinaux. La proportion de patients ayant présenté au moins un événement indésirable considéré comme grave était deux fois plus élevée avec le baclofène qu'avec le placebo dans l'essai BACLOVILLE mais pas dans l'essai ALPADIR, dans lequel ils étaient similaires dans les deux groupes. Il en a été de même pour la proportion de sujets qui ont abandonné prématurément le traitement à cause d'effets secondaires.
Sur la base des données disponibles, aucune conclusion définitive ne peut être tirée sur l’existence de lien entre les événements indésirables et la dose de baclofène, étant donné le design de l’étude à posologie variable. Cependant, par exemple, la proportion observée d'événements indésirables graves parmi tous les événements indésirables semble augmenter en fonction de la dose de baclofène reçue.
Dans l'étude BACLOVILLE, 6 décès dans le bras baclofène ont été enregistrés et 3 décès dans le bras placebo (un patient décédé a reçu du baclofène commercial après la période de traitement à l'étude). Cinq décès dans le bras baclofène ont été considérés par le promoteur comme liés au traitement. Une étude pharmaco-épidémiologique a été réalisée en « vie réelle » par la CNAMTS/ANSM/INSERM, indépendamment du dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Ses résultats montrent que l’utilisation du baclofène est fortement associée à un risque accru, augmentant avec la dose, d’hospitalisation et de décès en comparaison de l’utilisation des traitements des problèmes d’alcool disposant d’une AMM.

• En résumé, l'efficacité du baclofène dans la réduction de la consommation d'alcool chez les patients adultes présentant une dépendance à l'alcool et une consommation d’alcool à risque élevé, telle que présentée dans le dossier de demande d’AMM, a été jugée cliniquement insuffisante. Ceci, ajouté à un risque potentiellement accru de développer des événements indésirables graves (y compris des décès) en particulier à des doses élevées, conduit à considérer que le rapport bénéfice/risque est négatif.

CSST "Évaluation du rapport bénéfice/risque du baclofène dans le traitement de patients alcoolodépendants" Relevé d’avis – 17/04/2018