Baclofène et consommation d’alcool : que peut-on en dire en 2018 ?

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Le baclofène fait l’objet de débats passionnés et passionnels. La mission de la Société Française d'Alcoologie (SFA) n’est pas de s’inscrire dans ce cadre, mais de fournir aux professionnels et aux patients les données scientifiques publiées de façon à ce que chacun puisse se faire une opinion sur ce médicament dans le traitement du mésusage d’alcool. C’est le but du rapport publié par la SFA (1).
 
Cette revue ne s’est intéressée qu’aux données d’efficacité et de tolérance du baclofène sur la consommation d’alcool, à l’exclusion de son rôle dans le sevrage.
Concernant les études d’efficacité, compte-tenu de l’environnement médiatique du baclofène, seules les données issues des études contrôlées et randomisées en double-aveugle ont été retenues. Pour la tolérance, toutes les études disponibles ont été retenues. Cependant, ces études souffrent de biais méthodologiques divers.
Les données produites sont discordantes. Il s’agit souvent d’études réalisées sur un faible nombre de sujets. Les posologies de baclofène sont diverses, comprises entre 30 mg/j et 300 mg/j. Les schémas d’utilisation ne correspondent guère à l’utilisation qui est faite en pratique du baclofène (posologie, répartition des doses…).
En termes de tolérance, on dispose, outre des données des essais contrôlés, des données de cohortes et de pharmacovigilance. Là encore, il subsiste un flou. Si beaucoup d’études sont rassurantes, certaines de ces données constituent des signaux d’alerte sans que l’imputabilité du baclofène ait été clairement établie.
Au total, il est à ce moment encore difficile d’établir le rapport bénéfice/risque du baclofène de manière fiable et de proposer des conclusions claires quant à son utilisation pratique, en particulier en ce qui concerne les profils de patients susceptibles de mieux répondre à ce traitement (si l’on excepte l’importance de la consommation d’alcool) et les posologies.
Son utilisation devrait se faire sous couvert d’une surveillance rapprochée, et chez les patients pour lesquels les traitements mieux tolérés ont échoué. Lorsque les études rapportent des résultats positifs, la taille de l’effet est en général du même ordre de grandeur que celle des autres traitements actuels. Vu l’état actuel des connaissances le rapport bénéfice/risque du baclofène est faible voire très modéré.
 
La SFA demande donc :
– Que les connaissances scientifiques sur le baclofène soient améliorées de façon non discutable par un essai clinique construit à partir des connaissances accumulées sur ce médicament, et mené dans les meilleures conditions méthodologiques précisant clairement la population cible, les indications, les posologies, les possibilités de personnalisation du traitement, sa durée, les critères de jugement, les méthodes utilisées pour la gestion des données manquantes, les méthodologies statistiques utilisées, l’existence ou non de patients répondeurs… de façon à permettre des conclusions fiables et solides. Cet essai devra apporter les réponses scientifiques concrètes indispensables à une utilisation basée sur les preuves et raisonnée.
– Que les connaissances soient également améliorées en ce qui concerne la tolérance du baclofène.