A lire l'article de Romain Huët, Maitre de conférences en sciences de la communication (Rennes 2). Ces recherches visent essentiellement à approcher la quotidienneté des combattants pour comprendre leurs trajectoires biographiques, leurs rapports ordinaires au monde, à autrui et à eux-mêmes.
"Les explications sociologiques et politiques relatives au basculement des combattants étrangers dans le djihad armé suivent en principe deux perspectives différentes. La première cherche à dégager les facteurs du contexte social qui expliquent le basculement de certains dans des parcours de radicalisation djihadistes (inégalités sociales, exclusions, discriminations, expériences de l’injustice, etc.). La deuxième perspective, quant à elle, vise à analyser les processus et la dynamique des violences, en s’appuyant sur un profilage sociologique des parcours des candidats au djihad. La plupart des études s’accordent sur un diagnostic qui favorise l’expérience guerrière (frustration et crise sociales). En bref, il existe des configurations sociales spécifiques qui créent des conditions favorables à la violence.
Ces explications sont évidemment importantes et nécessaires. Néanmoins, le but de ce texte se tient en décalage par rapport à ces explications sociologiques traditionnelles. Il s’agit de questionner les ressorts subjectifs susceptibles d’animer de jeunes Occidentaux à rejoindre l’État islamique pour combattre sur les fronts syriens et irakiens. Parmi ces ressorts, l’un est intrinsèque à la guerre en tant « qu’expérience sensible ». L’hypothèse, qui ne se suffit pas à elle-même et qui ne saurait répondre à la globalité de la question, est que la guerre est l’occasion d’une expérience sensible du monde qui, non seulement attire les êtres en attente de « réparation existentielle », mais qui les maintient également dans la lutte armée en raison notamment des éclats existentiels qu’elle suscite.
Cet article s’attache donc à la dimension sensible de la guerre en tant qu’elle fascine et attire. D’ailleurs, rares sont ceux qui peuvent se soustraire à cette curiosité remplie de peur, car on ne saurait concevoir spectacle plus inquiétant que celui de jeunes hommes, déterminés, bien vivants et lucides, à jeter leur vie au nom, par exemple, de l’État islamique et à subir l’emprise impitoyable d’une passion insensée".