Radicalisation islamiste en prison: la CGLPL dresse un état des lieux sur les unités dédiées

FacebookTwitterLinkedInEmail

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) publie un rapport d’enquête sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral, centré sur le fonctionnement des unités dédiées. Instaurées à la fin de l’année 2015, ces unités ont vocation à prendre en charge la radicalisation islamiste en milieu carcéral en regroupant les personnes détenues en un seul lieu. Plus de six mois après sa mise en place, la mesure n’est pas exempte d’interrogations, selon le CGLPL. Le Garde de Sceaux a fait part le jour de cette publication de ses observations.

Ce rapport constitue un état des lieux basé sur des enquêtes de terrain. Trois contrôleurs se sont rendus dans les quatre établissements concernés (centres pénitentiaires de Fresnes et Lille-Annœullin, maisons d’arrêt d’Osny et Fleury-Mérogis), ont rencontré les personnes qui ont la charge des ces unités dédiées, celles qui y interviennent et celles qui y sont incarcérées.

Pour le gouvernement et l’administration pénitentiaire, regrouper les personnes susceptibles d’entrer en voie de radicalisation a pour but d' « éviter, d’une part, les pressions et la propagation du prosélytisme religieux radical et, d’autre part, de favoriser la prise en charge des personnes radicalisées ». Mais selon le rapport, il semble que « le principe du regroupement présente plus d’inconvénients que d’avantages ». Le contrôleur général soulève les limites du critère retenu pour placer les personnes incarcérées en unité dédiée (UD). Malgré la volonté du plan de lutte contre le terrorisme d’ouvrir les UD à des personnes incarcérées pour des faits autres que de « terrorisme lié à l’islam radical », les faits sont là : la population des cinq unités « reste aujourd’hui exclusivement composée de personnes écrouées "en lien avec une entreprise terroriste" ». Adeline Hazan prévient : « l’intégration d’un public plus large suppose l’existence préalable d’un outil de repérage [des personnes en voie radicalisation] au sein de la détention ».

Les « effets pervers » du régime particulier de détention

Le rapport note également que ce régime particulier à des « effets pervers ». Il pointe surtout la grande disparité des organisations et des prises en charge. On peut lire dans la conclusion qu'à ce stade du projet, « personne n’estime disposer de certitudes et des interrogations légitimes subsistent sur de nombreux points ». Pas de recommandation dans ce rapport mais la CGLPL, « sans mésestimer la complexité de la tâche ni la situation particulièrement difficile liées aux menaces terroristes qui pèsent sur notre pays » pointe que ce contexte « ne saurait interdire de s’interroger, au regard du respect des droits fondamentaux, sur les mesures prises et sur les limites de leur mise en œuvre. »

Informé de ce rapport, M. Urvoas, ministre de la Justice, garde des Sceaux, a fait part de ces observations. Il rappelle notamment que le dispositif « très récemment mis en œuvre, demeure expérimental tant que l'évaluation de sa cohérence, de son opérationnalité et de sa pertinence n'aura pas été conduite. »

  • Radicalisation islamiste en milieu carcéral. 2016. Ouverture des unités dédiées. CGLPL, 2016, 57 pages, en téléchargement sur le site du CGLPL. La réponse intégrale du Garde des Sceaux est également en ligne.