"D'importantes disparités et insuffisances dans l'offre de soins ont été constatées, liées d'abord à des difficultés de recrutement fortes pour plusieurs catégories de professionnels de santé", indique l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport sur l'évaluation du plan d'actions stratégiques 2010-2014 sur la politique de santé des personnes placées sous main de justice. Et tant la démographie médicale (voir encadré) que la faible attractivité de l'exercice en prison expliquent les fortes disparités. Les écarts constatés vont de 1 à 3 voire de 1 à 7 pour les infirmiers et "sans que les enjeux de la démographie médicale puissent expliquer ces disparités". La mission recommande donc la mise en place d'un socle minimum de fonctionnement des unités sanitaires des CH implantées dans les établissements pénitentiaires (USMP) dans le but "d'estimer plus finement les besoins en offre de soins, en indiquant un taux minimum d'équivalents temps plein (ETP) à pourvoir selon la nature de l'établissement, permettant d'objectiver les fonctionnements dégradés et de corriger les disparités locales". Par ailleurs, les conditions matérielles de fonctionnement de ces unités pâtissent de locaux "globalement sous-dotés", de 30 à 40% en moyenne inférieures aux recommandations de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements sanitaires et médico-sociaux (Anap).
Dans ce contexte, le développement de la télémédecine en milieu carcéral apparaît "nécessaire et pertinent". Pour autant, "il ne saurait être qu'une modalité complémentaire d'accès aux soins". Parmi les 173 USMP, 29 effectuent des consultations médicales à distance, 73 sont équipées d'un matériel de radiologie numérisé et 50 l'utilisent pour des examens d'imagerie à distance. Pour autant, tempère l'Igas, les professionnels de santé ont insisté pour que la télémédecine ne conduise pas à réduire les postes dans les USMP dans les spécialités déficitaires. De plus, une analyse fine doit encore être effectuée pour préciser le cadre et les apports de la télémédecine en milieu pénitentiaire. Sur l'offre de soins, la mission Igas a aussi constaté que l'organisation de la permanence des soins aux heures et jours de fermerture de l'USMP "est une problématique qui concerne la totalité des établissements pénitentiaires". Et elle a insisté sur les "conséquences délicates" liées à l'absence de personnel soignant les week-ends et jours fériés. Lors de son enquête, l'inspection a aussi confirmé la faible utilisation de l'offre hospitalière en unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), huit existent pour 163 lits avec un taux d'occupation de moins de 20%. Une sous-utilisation qui s'explique en partie par les refus d'extraction de dernière minute des personnes détenues qui jugent les conditions d'hospitalisation dans ces unités "moins favorables". Cependant, ces unités pourraient participer "à la diversification de l'offre de soins en renforçant l'offre de lits SSR, insuffisante aujourd'hui". Sur les ouvertures d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), le bilan "est positif". La mission plaide pour la poursuite du déploiement qui a connu un "retard significatif", d'autant que les conditions d'hospitalisation hors UHSA "demeurent problématiques", effectuées dans le cadre de l'hospitalisation d'office dans le CH spécialisé de rattachement, voire en unité pour malades difficiles (UMD).
Réduire les inégalités
La mission a donc identifié plusieurs thématiques qui pourraient figurer dans un prochain programme. Elle préconise notamment de revoir les règles de calcul et les principes de mise en œuvre des missions d'intérêt général (Mig) "afin d'assurer une meilleure lisibilité dans le but de réduire les inégalités entre les unités de soins dédiées aux personnes détenues". En 2013, les dotations de l'Assurance maladie pour la prise en charge somatique des personnes détenues se sont élevées à 204,8 millions d'euros (M€). Par ailleurs, une dotation annuelle de financement (Daf) finance les structures de soins psychiatriques pour 59 M€ en 2013. La mission propose aussi que le taux de réalisation d'extractions médicales soit amélioré. Cela suppose la mise en œuvre d'indicateurs de suivi et la définition d'objectifs au niveau des directions interrégionales des services pénitentiaires (Disp). Elle approuve aussi l'initiative prise par le ministère de la Justice de rédiger un guide méthodologique en lien avec le ministère des Affaires sociales et de la Santé sur le sujet de l'aménagement de peine pour raison médicale. Elle préconise la mise en œuvre d'une politique pénale sur ces aménagements de peine. Outre des axes thématiques (prévention, prévention du suicide et lutte contre les addictions), l'Igas propose de nouvelles orientations comme les soins en rapport avec l'infraction pour laquelle la personne a été condamnée, la perte d'autonomie liée au vieillissement et aux handicaps et, enfin, la fin de vie.
Géraldine Tribault, Hospimédia, 21 juillet 2016.