Produits psychostimulants et sexualité

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Le slam n’est pas seulement un art oratoire. C’est également une injection intraveineuse de produits de type psychostimulant (méphédrone et dérivés) faite dans un contexte sexuel par des hommes gays. Pour faire la part entre le fantasme et la réalité concernant cette pratique et ses risques sanitaires, AIDES publie la première enquête qualitative française sur le sujet (extraits).

Le premier objectif de cette étude est donc de mieux connaître ce phénomène : qu’est-ce que c’est ? De quoi parle-t-on ? Le deuxième objectif de cette étude est d’appréhender les effets de cette pratique sur la vie des personnes concernées. Au moment où cette étude a débuté, une partie des acteurs faisant état de ce phénomène identifie notamment un ensemble de risques sanitaires, tels qu’une augmentation du risque d’infection par le VIH et/ou le VHC ainsi que la survenue de complications de santé liées à l’injection chez des personnes ne se reconnaissant pas comme « usagers de drogues » et maitrisant peu la réduction de risques en matière d’usage de drogues.
Enfin, et suivant les principes de la démarche communautaire, il s’agit de recueillir les demandes des personnes concernées afin de mettre en place, si nécessaire, des réponses associatives et/ou sanitaires adaptées à leurs besoins.

L’usage du slam
L’exploration de ce phénomène marginal, le slam, met en lumière un phénomène plus large, la consommation de substances psychoactives associées à la sexualité entre hommes, devenue habituelle dans certains sous-groupes. Les effets perçus et attendus de l’injection de psychostimulants sont semblables à ceux plus généralement associés à la prise de psychostimulants en contexte sexuel : intensification du désir, du plaisir et de la capacité d’endurance sexuelle ; exacerbation des sensations ; aide à la pénétration anale réceptive et à l’expérimentation de nouvelles pratiques. La description des effets de l’injection de cathinones met toutefois l’accent sur la rapidité de la montée du produit, optimisant une désinhibition partagée par les partenaires, favorisant les états fusionnels et l’échange verbal.
A l’étape de l’initiation, si l’injection est perçue négativement, les produits de synthèse utilisés, aisément accessibles et réputés purs au plan de leur composition, ne suscitent pas de méfiance particulière. Leur potentiel addictogène ne semble pas être perçu, et ce d’autant moins que les premières expériences ont toujours lieu en contexte sexuel, loin des représentations d’un usage solitaire pouvant conduire à la désocialisation.
L’intensité et la fulgurance des effets perçus de l’injection de cathinones, décrits comme supérieurs à ceux d’autres produits, conjuguées à leur facilité d’accès à un faible coût, contribuent à la poursuite de l’usage.
Les slameurs interrogés font état des effets de courte durée propres à l’injection de cathinones associés à un craving important, induisant une forte propension à multiplier les injections et à augmenter les quantités
de produits consommés au cours du plan. En matière de slam, comme en matière d’usage de psychostimulants de manière plus générale, la capacité à contrôler la fréquence de l’usage dépend d’un ensemble de facteurs tels que l’expérience de la gestion d’autres produits psychoactifs ou encore l’investissement dans l’activité professionnelle imposant un cadre à l’usager. La survenue d’événements de vie connexes (ruptures, deuil, perte d’emploi) peut participer de la perte de contrôle de l’usage dont la fonction n’est plus seulement récréative.
Augmentation de la fréquence des plans, augmentation continue de la quantité de produit consommée, recherche de partenaires sexuels sur les seuls critères du slam, usage solitaire, isolement, arrêts de travail, survenue de problèmes médicaux sont les éléments couramment décrits par les usagers ayant perdu le contrôle de leurs consommation. Dans cette situation, le slam tend à se substituer au sexe.
Envisager l’arrêt du slam peut alors signifier pour certains l’arrêt de la sexualité. L’arrêt du slam, lorsqu’il occupe une place centrale dans la vie de l’usager, n’est pas aisé. Au travers des récits des anciens usagers, il apparaît que la capacité à mobiliser un réseau relationnel dissocié de la pratique et à solliciter le soutien des proches favorisent ce processus.

Les conséquences médicales et psychosociales
Au-delà de la sensibilité physique ou psychique individuelle des consommateurs aux différents produits, le risque de dépendance est important ; ses conséquences : difficultés professionnelles, chômage, problèmes conjugaux, désocialisation. La pratique du slam peut exposer à des effets ou des pratiques extrêmes. Fatigue, amaigrissement, dépressions qui peuvent être passagères ou prolongées, notamment à l’arrêt de la consommation. Hallucinations et délires sont possibles. Les mélanges avec des stimulants érectiles ou des psychotropes sont courants sans que l’on en connaisse les conséquences. Plus généralement, on ne connaît pas les interactions entre les substances psychoactives et tout type de médicaments, en particulier les antirétroviraux.
Les sexualités dites hard comme le fist paraissent fréquentes et l’utilisation de gants n’est pas systématique alors que les bras sont souvent, de plus, abimés par les injections. L’utilisation de préservatifs ne parait pas être au centre des préoccupations des slameurs. Tout cela expose une fois de plus à un risque infectieux : IST bactériennes et virales, hépatites B et C et VIH. Enfin, les usagers n’étant pas habitués à ces pratiques d’injection ou ne se reconnaissant pas comme « toxicomanes », les prises de risques de contamination par le sang paraissent souvent sous-estimées.
 

Slam, première enquête qualitative en France, N. Foureur, S. Fournier, M. Jauffret-Roustide, V. Labrouve, X. Pascal, G. Quatremètre, D. Rojas Castro, février 2013, http://www.aides.org