05-06-07 mai 2016

Nouvelles formes d’exclusions, Microfascismes et lignes de fuite

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Bruxelles 

26e Séminaire du CEDEP avec la collaboration de la Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale (L.B.F.S.M.)

 

« VIVA LA MUERTE » 

« Viva La Muerte » reste le cri de ralliement de tous les fascistes. Terriblement illustré encore ce 13 novembre aux terrasses de cafés et dans une salle de concert à Paris, fusillades et ceintures d’explosifs, tuerie maximale, dans le tas.

Serions-nous en guerre et nous ne le savions pas ?! Il y a beaucoup de guerres aujourd’hui de par le monde, mais elles sont loin. Même quand nous portons la guerre dans ces terres lointaines, nous continuons à nous penser en paix. Jusqu‘au moment où des kalachnikovs visent des citoyens en paix, installés dans un quotidien banal et heureux. Sidération, colère contre cette violence inacceptable, de la peur et aussi la résistance : nous continuerons à vivre selon les valeurs de tolérance, de partage, de convivialité qui sont les nôtres. Et s’ils ont visé un style de vie, celui-ci n’est en rien spécifique de l’Occident. Il est propre à tout être humain de la planète, là où on a dépassé les conditions de la survie et où l’on rêve de paix et de liberté. N’oublions pas que leurs premières victimes sont de l’autre côté de la Méditerranée. Ne nous trompons pas, leur cible n’est pas l’Occident, même si leurs idéologues l’affirment haut et fort, mais la vie. ILS VEULENT TUER LA VIE. Partout où elle frémit, danse, chante, trinque à la santé de l’autre, séduit, compose de l’hétérogène, du multiple, du singulier.

… Nous ne cèderons pas à la peur…

 

LA DISPARITION DES LUCIOLES*

 

Pendant ce temps, l’ultra-libéralisme – et ce n’est pas sans lien – continue ses ravages. La finance désormais considère que « le travail est un coût ». Le peuple a laissé place à des consommateurs/auto entrepreneurs. On vit dans un monde de plus en plus dérégulé, la déréglementation des marchés financiers, le détricotage du Droit du travail multiplient les chômeurs, accroissent les dettes publiques. Pire, les choix de politique économique se soustraient de plus en plus aux règles démocratiques, voire s’y opposent. L’Europe ose dire à un parti élu, qui défend ce pour quoi il a été élu : « nous ferons tomber vos banques » ! Impasses économiques, catastrophes écologiques, les gouvernants continuent dans une fuite en avant éperdue. L’état d’urgence décrété en France vient réveiller toutes les peurs, attiser la désignation de boucs émissaires, donner libre cours à la haine.

Déjà en 1977 Gilles Deleuze* dénonçait une idéologie à venir :

« Tout un néo fascisme s’installe /…/Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, c’est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier… »

Ces micro-fascismes concernent au plus haut point les cliniciens que nous sommes car ce sont de fantastiques machines de production de subjectivité.

Notre monde est en train d’être dévasté par le peu de crédit accordé à la vie humaine. Les pauvres ne sont plus les frères de personne. Les réfugiés deviennent des migrants. Les assassinés sont des caricaturistes ou des bobos. Toute identification à l’autre a été coupée. Il n’y a plus de place pour la compassion, a fortiori la solidarité. C’est ça aussi, la politique de la peur.

 

 

LA SURVIVANCE DES LUCIOLES*             

 

Claude Louzoun, notre président fondateur, avait initié en décembre 2008, une pétition « Contre la politique de la peur ». Nous la reprenons à notre compte aujourd’hui. Politique de la peur qui vise la figure du fou habillé en malade dangereux, la psychiatrie scientifique qui campe dans son entre soi, la comptabilité qui rend tristement fou, la souffrance psychique qui est devenue aussi celle des soignants déboussolés.

Face à ces rouleaux compresseurs de l’ultra libéralisme et des néofascismes ambiants, on ne peut concevoir que des lignes de fuite, modestes, discrètes, discontinues, loin des projecteurs : des lucioles… Lumières mineures, déterritorialisées, de contre-pouvoirs en route. Les lucioles n’ont pas disparu, à nous de nous déplacer, d’affûter notre regard de nyctalope. Partout des solidarités à affirmer – avec la Grèce un réseau de santé mentale en construction, ici ou ailleurs des formes d’entr’aide avec les usagers -, une Ethique à porter au quotidien, des compétences à défendre contre les experts du chiffre, la Culture à soutenir partout où elle est menacée, sur fond d’un vrai souci de la chose publique (la Res Publica). De multiples foyers de résistance occupent la scène sociale, qui passent inaperçus ou que l’on veut faire taire.

Ainsi, telles des lucioles, les réfugiés de Sangatte, tentent d’échapper aux projecteurs policiers pour franchir la Manche, porteurs d’une force de vie, au-delà d’eux-mêmes, indestructible. 

Tel est le soubassement de ce qui fera nos débats lors de ces deux jours.

Rens. : Eric Messens 

lbfsm@skynet.be

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