Sceaux (92)
Journée organise par la Fondation Santé des Étudiants de France.
Si la chaîne inéluctable qui relie fantasme et réalité – à travers les réseaux de la séduction, de la perte et du traumatisme – parcourt l’histoire de la Psychanalyse et l’histoire individuelle, il est un moment de la vie et une situation qui en permettent le déploiement jusqu’à son acmé : l’ado-lescence, dont les repères liminaires s’étiolent de plus en plus, pose avec une acuité particulière, le statut du fantasme et de la réalité, et surtout de leur articulation dans le processus analytique.
La théorie freudienne de la séduction s’est radicalement modifiée, passant d’une conception où la réalité effective de la séduction constituait le temps premier du traumatisme, à une seconde élaboration ordonnée par la fiction et la fantaisie ; mais la temporalité binaire qui soutient la notion d’après-coup n’a elle, jamais été abandonnée. Tout processus analytique s’inscrit dans cette dialectique : adhésion à la « vérité » de l’histoire, découverte progressive ou brutale d’une autre scène où s’actualisent les fantasmes.
Les traitements d’adolescents sont, eux aussi, rythmés par cette scansion mais les matériaux qui la conduisent se révèlent parfois singuliers. On insiste de plus en plus souvent sur la réalité ef-fective à l’origine du traumatisme dans la clinique actuelle de l’adolescence en allant jusqu’à la considérer comme déterminante dans la mise en place du diagnostic. Cette position n’est pas tenable dans le cadre de l’épistémologie psychanalytique, non que le psychanalyste n’accorde pas d’importance à l’indice de réalité des faits, mais parce qu’il tient compte du fonctionnement psychique de chaque individu et de la manière dont il est susceptible de traiter les événements de sa vie, à la fois ceux qui relèvent d’une inscription événementielle et ceux qui révèlent sa réalité psychique. Le mouvement qui se déploie dans le cours du traitement montre de quelles manières le patient est susceptible de s’approprier l’ensemble de ces événements dans la construction d’autres versions de son histoire, et d’en devenir l’auteur.
La séduction, telle que la repère Freud en 1896, s’organise autour de scènes rendant compte d’une « expérience sexuelle prématurée ». Dans cette situation, l’enfant est toujours dans un état d’impuissance, voire de complet désarroi face à un événement qui survient du dehors : un cer-tain état infantile des fonctions psychiques et sexuelles est « nécessaire ». Il y a donc un « avant-coup » de ce qui prendra, ultérieurement, une valeur traumatique, avant-coup favorisé par l’im-préparation et l’incapacité de l’enfant face à un partenaire toujours adulte. Ainsi, la scène origi-naire reste suspendue, en attente, et le souvenir n’en est nullement pathogène puisque la signifi-cation (sexuelle) de cette expérience ne peut être véritablement reconnue. C’est la seconde scène qui vient lui donner sens et devenir traumatisante par l’excitation pulsionnelle qu’elle suscite : le traumatisme se définit désormais par la montée d’excitation sexuelle difficile à élaborer, c’est-à-dire qu’il trouve maintenant sa source interne. Ce second temps s’inscrit dans le temps de l’ado-lescence : le désarmement face au conflit interne est d’autant plus flagrant que la protection nar-cissique offerte par l’immaturité fonctionnelle de l’enfance est désormais manifestement perdue. L’impuissance infantile, saisie par la castration, est douloureuse – elle ne permet pas l’accom-plissement du désir – mais aussi apaisante lorsqu’elle s’ouvre vers des potentialités à venir – pas maintenant, plus tard. A l’adolescence, ce compromis n’est plus vraiment négociable, il faut renoncer au nom des interdits, alors que ce renoncement peut impliquer, dans son mouvement même, l’angoisse de perdre l’amour de la part de l’objet.
Comment le transfert, dans la cure, peut-il actualiser cette situation fondatrice de la construction identitaire et en assurer l’élaboration, entre désir et renoncement ? Comment le processus analy-tique peut-il soutenir le mouvement qui permet d’aimer et de travailler, de devenir quelqu’un, d’être un homme ou une femme ?
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