Accueillir les productions psychiques des sujets souffrant de psychose est toujours une épreuve pour les cliniciens. Ces productions se présentent comme insensées, chaotiques et très déstabilisantes. Mais comment parvenir à « penser la pensée d’un autre » ?…
« Vous vous rappelez des premiers mots que vous m’avez dits… ? » C’est ainsi que Livia débute son entretien. Diagnostiquée comme souffrant d’une schizophrénie au sortir de l’adolescence, il y a déjà une douzaine d’années que nous avons des entretiens réguliers au centre médico-psychologique (CMP). Bien que lointain, le souvenir de notre premier entretien reste assez clair, mais les « premiers mots » prononcés m’échappent. Qu’ai-je pu dire qui soit mémorable une douzaine d’années plus tard ? Le temps est passé, les premières rencontres se sont multipliées, ces premiers mots se sont effacés de ma mémoire… Devant ma perplexité, Livia ajoute « au téléphone… ». Mon désarroi augmente et se teinte progressivement d’inquiétude. La prise du premier rendez- vous s’est faite au téléphone, un temps informel teinté d’administratif pris dans le flot des autres activités. Bref, honnêtement, j’avoue ne pas m’en souvenir, Livia ne fait pas durer le suspense. « Vous m’avez dit que vous attendiez mon appel. » Au-delà de la banalité des mots, avant d’être entendue, Livia souhaitait être attendue… Les infirmières qui assuraient son accompagnement, en parallèle des consultations médicales, m’avaient informé de son appel téléphonique pour une prise de rendez-vous. Elles m’avaient aussi précisé que Livia s’exprimait avec difficulté, d’où ma réponse lui évitant d’avoir à expliquer sa demande au téléphone.
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