• Motivation de l’arrêté préfectoral faisant suite à la période d’observation
La personne admise en soins psychiatriques sans consentement, sur décision du représentant de l’État (SPDRE) ou du directeur d’établissement (SPDT ou SPI), fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète (Code de la santé publique [CSP], art. L. 3211-2-2). Un certificat médical est notamment établi dans les 72 heures de l’admission, qui constate l’état mental de la personne en vue de confirmer ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques. Lorsque l’admission a été décidée par le Préfet, ce dernier doit, dans un délai de trois jours francs suivant la réception de ce certificat, décider de la forme de prise en charge, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public (CSP, art. L. 3213-1, II). Pour la Cour de cassation (1), il en résulte que tant l’arrêté d’admission initiale que l’arrêté fixant le mode de prise en charge doivent être motivés et « mettre en évidence que les troubles mentaux dont souffre l’individu compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte gravement à l’ordre public ». En effet, ces éléments entrent notamment en considération dans le choix de la forme des soins (hospitalisation complète ou programme de soins) incombant à l’autorité préfectorale. En l’espèce, le défaut de motivation du second arrêté sur ce point a pu valablement justifier la mainlevée.
• Avis médical sur l’aptitude du malade en isolement à être auditionné : qualité exigée du médecin
Les mesures d’isolement ou de contention prises sur décision du psychiatre doivent obligatoirement faire l’objet d’un contrôle juridictionnel lorsqu’elles sont poursuivies au-delà d’une certaine durée. Il revient ainsi au directeur d’établissement de saisir le juge judiciaire avant les 72 heures d’isolement ou les 48 heures de contention, sous peine de mainlevée de la mesure. En principe, contrairement à ce qui a lieu pour le contrôle des mesures administratives de soins sans consentement, le malade concerné n’est pas auditionné par le juge, mais il peut toutefois demander à être entendu. Dans ce cas, le directeur d’établissement communique au greffe un avis d’un médecin relatif à l’existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l’utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental (CSP, art. R. 3211-33-1, III, 3°). Malgré sa demande, la personne peut alors ne pas être auditionnée. À propos d’un patient admis sur décision du Préfet, puis placé à l’isolement après son transfert en Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), la Cour de cassation précise que « ces dispositions spécifiques en matière d’isolement et de contention dérog[ent] aux règles générales applicables à la procédure en matière de soins psychiatriques sans consentement prévues à l’article R. 3211-12, 5°, b) du code de la santé publique » (2). Il en résulte qu’elles n’imposent pas que l’avis médical faisant obstacle à l’audition soit rédigé par un psychiatre ne participant pas à la prise en charge. Il peut donc s’agir du même psychiatre ayant décidé de la mise à l’isolement ou de la contention, ou du prolongement de telles mesures.
• Information de la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) : moyens de preuve
L’article L. 3212-5, I du CSP impose au directeur de l’établissement d’accueil de transmettre sans délai à la CDSP toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent. La Cour de cassation (3) précise ici que « la preuve de cette transmission peut résulter d’une mention portée par le directeur d’établissement sur la décision d’admission ». En l’espèce, la décision indiquait qu’une copie avait été adressée à la CDSP, permettant au juge d’appel de considérer que l’obligation légale avait été respectée. La question peut se poser, en outre, de savoir si le défaut de transmission constitue une « atteinte aux droits » de la personne concernée au sens de l’article L. 3216-1 du CSP, puisqu’en vertu de ce texte, une irrégularité de procédure ou de forme n’entraîne la mainlevée de la mesure qu’à cette condition. Dès lors que la CDSP a dans ses attributions celui de demander la mainlevée de l’hospitalisation (CSP, art. L. 3223-1, 7°), il y aurait lieu de considérer que sa non-information fait grief au malade et entraîne une telle sanction. C’est ce que soulevait sans succès l’intéressé, hospitalisé sur demande d’un tiers.
• Impartialité du juge et conditions de sa récusation
L’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire prévoit que la récusation d’un juge peut être demandée, notamment s’il a précédemment connu l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties. Dans un cas où une patiente invoquait le fait que la JLD ayant statué avait déjà eu précédemment à connaître de son cas, la deuxième chambre civile (4) précise opportunément que « l’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l’objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d’une demande de mainlevée, le défaut d’impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l’article L.3211-12-1 du code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure ». Elle ajoute que cette interprétation n’est pas contraire aux garanties exigées par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de procès équitable. Au vu de la récurrence avec laquelle le juge est amené à statuer en psychiatrie, y compris pour un même patient dont l’hospitalisation est prolongée, cette solution pragmatique apparaît opportune, sauf à compliquer excessivement une organisation judiciaire déjà soumise à des contraintes nombreuses.
• Contrôle par le juge d’une mesure transformée en programme de soins
Contrairement aux mesures d’hospitalisation complète pour lesquelles un contrôle obligatoire du juge judiciaire à bref délai est prévu (CSP, art. L. 3211-12-1), les programmes de soins, dès lors qu’ils ne constituent pas des privations mais seulement des restrictions de liberté, obéissent à un régime de contrôle facultatif, sur le fondement de l’article L.3211-12 du CSP. Ce texte prévoit que le juge judiciaire (jusqu’à il y a peu, le JLD) peut être saisi à tout moment aux fins d’ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d’une mesure de soins sans consentement, qu’elle qu’en soit la forme, ce qui inclut les programmes de soins. La Cour de cassation (5) censure logiquement la décision d’un juge d’appel ayant jugé irrecevable la demande de mainlevée d’une patiente au prétexte que la mesure d’hospitalisation complète avait été transformée en programme de soins. Il rentre bien dans la compétence du juge, tant en première instance qu’en appel, d’examiner la légalité de la mesure de soins sans consentement lorsqu’il est saisi par le malade. Cette décision est à rapprocher d’une autre, rendue quelques mois plus tôt. La Cour de cassation (6) a alors précisé qu’un juge d’appel, saisi par le patient d’une demande de mainlevée de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète prolongée par le JLD, demeure tenu de statuer « y compris lorsqu’entre-temps, celle-ci a pris la forme d’un programme de soins ». La transformation de la mesure ne décharge donc pas le magistrat du second degré de son office.
• Saisine du juge devenue sans objet
Un juge d’appel est fondé à déclarer sans objet la demande de mainlevée d’une mesure de soins sans consentement si, au jour où il statue, la mainlevée a déjà eu lieu sur décision du directeur d’établissement (7). La patiente, admise initialement sur le motif du péril imminent, n’est donc pas fondée à exiger que le juge se prononce au prétexte qu’elle serait privée d’un « intérêt matériel » (possibilité d’obtenir une indemnisation des préjudices causés par la privation de liberté sans fondement légal) et « immatériel » (rétablissement de sa réputation). Précisons que cette solution ne fait pas obstacle à ce que la patiente saisisse le juge judiciaire d’une demande distincte d’indemnisation, qui ne se confond pas avec une demande de mainlevée. Il lui faudra alors démontrer que la poursuite de l’hospitalisation dont elle a fait l’objet était non-fondée ou irrégulière sur tout ou partie de la période concernée. La même solution prévaut en matière d’isolement ou de contention : ainsi, une demande tendant à voir déclarer irrégulières les décisions de placement et de maintien à l’isolement devient sans objet si la mise en œuvre de cette décision a, entre-temps, cessé (8).
• Autonomie de la mesure d’isolement
Dans une affaire concernant un patient admis en hospitalisation complète et mis à l’isolement pour une durée de 9 jours, la Cour de cassation rappelle que l’irrégularité éventuelle d’une mesure d’isolement ou de contention, notamment s’agissant des conditions de durées, ne permet « pas de déclarer illégale l’ensemble de la procédure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète » (9). Si la mainlevée de la mesure administrative entraîne logiquement celle de la décision prise par le psychiatre, un isolement et/ou une contention ne pouvant être décidé que dans le cadre d’une hospitalisation complète (CSP, art. L. 3222-5-1), l’inverse n’est pas vrai.
• Contrôle du ministère public sur la mesure et information des parties
Le CSP prévoit que, dans les cas où il n’est pas lui-même partie à l’instance (10), le ministère public fasse connaître son avis dans les conditions prévues par l’article 431 du Code de procédure civile (CSP, art. R. 3211-15 al. 5 ; R. 3211-21 al. 2). Il peut ainsi adresser à la juridiction des conclusions écrites mises à la disposition des parties, ou bien donner son avis oralement à l’audience. Il peut également se borner à apposer son visa sur le dossier ou indiquer qu’il s’en rapporte s’il n’a pas d’observations à faire valoir. Dans ce dernier cas, la première chambre civile (11) décide que « de telles mentions, sans influence sur la solution du litige, ne peuvent être assimilées à des conclusions écrites au sens de l’article 431 du code de procédure civile et n’ont pas à être communiquées aux parties ou mises à leur disposition avant l’audience ». La patiente, admise sur décision préfectorale, ne pouvait donc soulever une irrégularité de procédure du seul fait de ne pas avoir été destinataire du visa apposé par le ministère public.
Paul Véron
Maître de conférences à la faculté de droit de Nantes,
Laboratoire Droit et changement social (UMR 6297)
1– Cv., 1re, 15 mai 2024, 22-24.095, Inédit.
2– Civ., 1re, 26 juin 2024, 23-14.230, Publié au bulletin.
3– Civ., 1re, 24 avril 2024, 23-18.590, Publié au bulletin.
4– Civ., 1re, 28 mars 2024, 22-20.599, Publié au bulletin.
5– Civ., 1re, 15 mai 2024, 22-50.031, Inédit.
6– Civ., 1re, 28 février 2024, 22-15.888, Publié au bulletin
7– Civ., 1re, 26 juin 2024, 23-16.519, Inédit
8– Civ., 1re, 25 septembre 2024, 23-12.515, Publié au bulletin
9– Civ., 1re, 25 septembre 2024, 23-12.515, Publié au bulletin ; V., déjà en ce sens : Cass.,
Avis, 8 juillet 2021, n° 21-70.010 ; Civ., 1re, 24 avril 2024, 23-17.951, Inédit.
10– Le Procureur de la République est, par exemple, une partie lorsqu’il saisit lui-même le
juge ou fait appel.
11– Civ., 1re, 24 avril 2024, 23-16.266, Publié au bulletin.