Partir ou rester ? Le vacillement de l’engagement des médecins envers le service public hospitalier

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A l’heure où la lumière est portée sur les nombreux départs de soignants, conséquence entre autre de la crise morale que traverse l’hôpital public, l’Espace de Réflexion Ethique Bourgogne – Franche-Comté a choisi de s’intéresser dans un rapport aux fondements de l’engagement des médecins envers le service public hospitalier. Pourquoi ces médecins se sont-ils engagés au sein de l’hôpital public ? Quelles sont les valeurs du service public centrales à leur engagement et comment se manifestent-elles dans leur exercice ?

Conclusion de cette étude :

Cette étude met en lumière la façon dont les médecins se sont construits : leurs fondements identitaires, fortement chargés de valeurs personnelles orientées vers autrui (le care, le désir de soigner, d’être utile aux malades, de soulager la souffrance, de se dévouer, etc.), transmises familialement et professionnellement, ont trouvé un cadre adapté au sein du service public hospitalier et seraient le vecteur de leur engagement.

Cependant, les différentes tensions éthiques émergeantes de l’institution publique semblent déséquilibrer leur engagement. T2A, coupes budgétaires, manque de personnel et de lits, impuissance décisionnelle, empêchent les médecins d’exercer la médecine comme ils le souhaiteraient, c’est-à-dire soigner chaque individu sans s’intéresser à leur statut ou à leur revenu. Plutôt que de se soucier uniquement de la prise en charge de leurs patients, les médecins se retrouvent confrontés à penser en termes de coûts, de budget, de possibilités face au manque de moyens mis à disposition par l’hôpital public, alors même qu’ils ne font pas partie prenante des décisions de cet ordre. Ajouté à cela, le manque de rétribution permanent, incarné par une diminution voire une absence de reconnaissance de la part de l’institution et des patients, majore le sentiment de contrainte et de pénibilité. Ces contraintes, souvent subies, engendrent à leur tour une souffrance personnelle. Cela s’ajoute aux lourdes charges émotionnelles auxquelles les médecins sont confrontés au quotidien dans leurs pratiques majorant ainsi les facteurs de vulnérabilité psychiques et les risques psychosociaux associés, auxquels ils sont exposés.

Dans le cas de la souffrance des soignants, nous pouvons parler de détresse morale, définie comme « un déséquilibre psychologique pouvant menacer l’intégrité morale et physique d’une personne et engendrer des effets négatifs, tels que le désinvestissement, une diminution de la capacité d’adaptation, de la difficulté à gérer ses émotions, de l’épuisement professionnel et de la dépersonnalisation.» Cette souffrance, lorsqu’elle est subie de façon prolongée, tend à faire vaciller l’engagement des professionnels de santé envers le service public hospitalier.

Partir ou rester ? Le vacillement de l’engagement des médecins envers le service public hospitalier, Rapport de l’Espace de Réflexion Ethique Bourgogne – Franche-Comté, 1 février 2024