A l’occasion d’un colloque organisé le 23 janvier au ministère chargé de la santé, un rapport conjoint de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) propose 23 recommandations afin de faciliter le déploiement de la participation des patients dans la formation initiale des médecins.
La participation des patients à la formation initiale des médecins est inscrite dans la loi depuis 2019. Pour autant, si certaines UFR de Médecine sont déjà engagées, il n’existe toujours aucun cadre national permettant un réel développement de cette démarche. C’est pourquoi les ministères chargés de la santé et de l’enseignement portent une politique conjointe de déploiement dans ce domaine. Consacré à la participation des patients à la formation des futurs médecins, ce rapport esquisse les contours d’un cadre national jusqu’alors inexistant dans ce domaine et acte ce concept comme une innovation pédagogique à inscrire dans les textes réglementaires régissant les cursus médicaux. Ses 23 recommandations concrètes, qui seront enrichies courant 2024 de propositions pour les autres étudiants en santé, ont servi de fil rouge aux interventions et échanges qui se sont succédés durant la journée, en présence de près de 200 participants.
En prenant en compte des attentes et des besoins spécifiques pour améliorer l’ensemble du système de santé, la participation des patients à la formation des futurs professionnels de santé s’inscrit dans un cadre éthique. Elle émerge dans l’éducation thérapeutique, en psychiatrie et dans la recherche, notamment les maladies rares.
Ce partenariat soigné/soignant constitue également un facteur d’amélioration des pratiques professionnelles et donc de qualité de vie au travail, contribuant à redonner du sens aux métiers. Cela, dans un contexte de défis à relever dont la transition épidémiologique, l’allongement de la durée de vie ou encore la croissante rapide du nombre de personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques. Ainsi, le dispositif de formation professionnelle (en priorité initiale) doit s’adapter à ces exigences.
En France, cette place des patients dans la formation n’a été reconnue que récemment, alors qu’elle existe depuis plusieurs décennies dans d’autres pays, notamment anglo-saxons. Si certaines universités précurseures se sont engagées dans cette démarche, il n’existait pas jusqu’alors de cadre national permettant l’essor de la démarche.
C’est pourquoi la DGOS et la DGESIP ont associé début 2023 l’ensemble des parties prenantes dans un comité national de pilotage en vue de réaliser un état des lieux des initiatives et d’identifier les freins et leviers d’action pour faciliter leur généralisation. Ses travaux ont été enrichis d’enquêtes menées grâce à l’appui de la conférence nationale des doyens, de l’association des étudiants en médecine et des collèges d’enseignants, ainsi que les auditions auprès de nombreuses associations et institutions.
Fruit de cette collaboration, le rapport conjoint comporte 23 recommandations tant individuelles (recrutement, cadre d’emploi, rémunération) que collectives (intégration du concept aux cursus des facultés/universités, appui des agences régionales de santé).
AFFIRMATION DE L’APPROCHE PARTENARIALE AVEC LES PATIENTS DANS LA FORMATION
1- Concevoir, réaliser et publier des études participatives (incluant notamment des patients partenaires dans la formation) pour évaluer les effets des programmes d’enseignement mis en place dans une approche partenariale avec les patients.
2- Identifier les patients participant à la formation des professionnels de santé comme des « patients partenaires dans la formation ». Est défini comme patient la personne malade, en situation aiguë ou chronique, les personnes en situation de handicap, et par extension les proches, les aidants et l’ensemble des usagers du système de santé, y compris en l’absence de pathologie active.
3- Utiliser le terme de « patient simulé standardisé » pour les personnes participant comme un acteur d’une situation suivant un script prédéfini, et favoriser la participation de personnes autre que des patients.
4- Dans le cadre des simulations de situations suivant un script prédéfini, intégrer la participation de patients partenaires aux étapes de coconstruction et d’évaluation des étudiants.
5- Inclure la participation de patients partenaires dans la formation des étudiants en médecine de manière précoce, dès le premier cycle, et tout au long du cursus.
6- Inscrire dans les arrêtés portant sur l’organisation de la formation des premier, deuxième et troisième cycles des études médicales la participation des patients au sein des modalités pédagogiques à disposition des unités de
formation et de recherche (UFR).
7- Inscrire dans les arrêtés définissant les référentiels de formation des premier, deuxième et troisième cycles des études médicales l’obligation d’enseignements incluant la participation de patients, avec une mise en place progressive selon le cycle d’études. Favoriser une participation avec un niveau d’engagement significatif.
8- Inclure la participation des patients partenaires au sein des enseignements dispensés en UFR de médecine dans les critères d’évaluation périodique des universités réalisée par le Haut Conseil de l’évaluation et de la recherche de
l’enseignement supérieur (HCERES).
9- Privilégier la co-construction et co-animation de cours en binôme enseignant patient partenaire.
IDENTIFICATION/RECRUTEMENT DES PATIENTS PARTENAIRES
10- Identifier les patients partenaires dans la formation en fonction du niveaud’engagement et des objectifs attendus, à partir de critères souples, définisconjointement par les professionnels enseignants, les patients partenaires
impliqués dans l’organisation de la formation et les responsables de la structure dédiée au partenariat patient au sein de l’UFR.
11- Favoriser le recrutement de patients aux profils diversifiés, adhérents ou non d’une association, et ayant une formation adaptée au projet pédagogique. Une formation diplômante peut être requise en fonction de l’engagement attendu.
12- Formaliser entre le patient partenaire dans la formation et le reste de l’équipe pédagogique les missions attendues au regard du projet pédagogique.
13- Encadrer la participation des patients partenaires dans la formation par lasignature lors du recrutement d’une charte rappelant les grands principes éthiques et déontologiques, incluant la déclaration des liens d’intérêts (notamment avec les industriels commercialisant des produits de santé) selonles modalités applicables aux enseignants en vigueur au sein de l’UFR.
ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS PARTENAIRES
14- Accompagner les patients partenaires dans la formation dans leur prise de fonction par une préparation/formation initiale commune avec le reste de l’équipe pédagogique, graduée selon le niveau d’engagement attendu.
15- Accompagner les patients partenaires dans la formation tout au long de leurexercice via une formation continue, un compagnonnage, et des temps d’échanges dédiés à l’analyse des pratiques et l’amélioration des
enseignements.
CADRE D’EMPLOI ET REMUNERATION
16- Permettre aux patients partenaires dans la formation, quel que soit le cadre d’emploi, l’accès aux mêmes services que les professionnels enseignant au sein de l’UFR (accès à la documentation et aux ressources bibliographiques,
reprographie, restauration, badge d’accès à la bibliothèque et espace réservé aux enseignants, etc.).
17- Adapter le cadre d’emploi du patient partenaire à sa situation individuelle et favoriser, sauf souhait contraire du patient, les modalités d’emploi permettant une rémunération.
18- Etudier la possibilité de limiter l’impact fiscal et social de la rémunération des patients partenaires dans la formation, en lien avec les administrations compétentes.
STRUCTURATION DU PARTENARIAT PATIENT DANS LA FORMATION
19- Mettre en place, au sein des UFR, des structures (par exemple, département) dédiées au déploiement du partenariat patient dans la formation.
20- Constituer, au sein des structures dédiées au partenariat patient, une instance associant a minima des professionnels de santé enseignants et des patients partenaires, pour définir les conditions d’identification et de recrutement des patients partenaires et élaborer des propositions de développement de l’approche partenariale dans la formation.
21- Instituer dans les structures dédiées au partenariat patient, une co-direction par un enseignant-chercheur titulaire et un patient partenaire.
22- Inciter les ARS à soutenir le développement par les universités de formations incluant la participation de patients et la création de centres de ressources dédiées au partenariat patient, dans le cadre de leurs actions pour la
démocratie sanitaire.
23- Favoriser la participation des UFR aux appels à projets du Fonds national pour la démocratie sanitaire (FNDS), notamment en relayant auprès de celles-ci la diffusion de ces appels à projets, afin de financer tout ou partie de programmes de formations avec des patients partenaires, en particulier pour l’amorçage de nouveaux projets.
Enfin, afin de poursuivre le travail engagé, un comité de suivi sera mis en place dans la continuité du comité de pilotage. Ce comité aura pour rôle d’assurer le suivi des recommandations élaborées à travers plusieurs actions : mise à jour de l’état des lieux selon les évolutions constatées dans les différentes facultés, accompagnement au déploiement et à la mise en pratique des recommandations pour les facultés nécessitant un appui, suivi de la modification des textes réglementaires pour l’affirmation de l’approche partenariale avec les patients dans la formation, poursuite du travail sur le cadre d’emploi et la rémunération, initiation d’une extension de la démarche à la formation continue et à la formationdes autres professionnels de santé.
• Rapport consacré à la participation des patients à la formation initiale des médecins, restitution des travaux conduits par la DGOS en lien avec la DGESIP, janvier 2024.