Écrivain, poète, dramaturge, Jean Genet (1) aura été l’objet de plusieurs types d’écoute, notamment psychiatrique, phénoménologique, déconstructive. C’est entre ces trois voies que je vous propose de circuler. Trois voies que la voix de Jean Genet viendra ponctuer, scander, pour nous faire entendre la possibilité d’une écoute de l’inclassable.
Jean-Paul Sartre résume ainsi la vie de Genet : « Un enfant trouvé, dès son plus jeune âge, fait preuve de mauvais instincts, vole les pauvres paysans qui l’ont adopté. Réprimandé, il persévère, s’évade du bagne d’enfants où il a bien fallu le mettre, vole et pille de plus belle, et par surcroît, se prostitue. Il vit dans la misère, de mendicité, de larcins, couchant avec tout le monde et trahissant chacun, mais rien ne peut décourager son zèle : c’est le moment qu’il choisit pour se vouer délibérément au mal ; il décide qu’il fera le pire en toutes circonstances et, comme il s’est avisé que le plus grand forfait n’était point de mal faire, mais de manifester le mal, il écrit en prison des ouvrages abominables qui font l’apologie du crime et tombent sous le coup de la loi » (2). Évidemment, et Sartre le reconnaît, tout est plus compliqué que ça. Jean Genet lui-même raconte : « Je vous rappelle que je n’ai ni père ni mère, que j’ai été élevé par l’Assistance publique, que j’ai su très jeune que je n’étais pas français, que je n’appartenais pas au village. J’ai été élevé dans le Massif central. Je l’ai su d’une façon bête, niaise, comme ça : le maître d’école avait demandé d’écrire une petite rédaction, chaque élève devant décrire sa maison, j’ai fait la description de ma maison ; il s’est trouvé que ma description était, selon le maître d’école, la plus jolie. Il l’a lue à haute voix et tout le monde s’est moqué de moi en disant : “Mais, c’est pas sa maison, c’est un enfant trouvé”, et alors il y a eu un tel vide, un tel abaissement. J’étais immédiatement tellement étranger » (3).
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