Formation et recherche : le désarroi des personnels hospitalo-universitaires

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Une enquête menée auprès des hospitalo-universitaire révèle que ces fonctionnaires qui jouent un rôle clé au sein du système de santé et d’enseignement médical français, envisage en nombre de quitter leur profession. Nombre de griefs créent cette dynamique de désaffection inédite.

Cette enquête réalisée par la chercheuse Sarah Alves, professeure en gestion en ressources humaines à l’EM Normandie menée à l’automne 2023, auprès de 838 Hospitalo-Universitaires (HU) montre que parmi les griefs des HU viennent en premier lieu les conditions de travail et la bureaucratisation qui les empêchent d’exercer leur compétence, puis les salaires et les pensions de retraite où seule une fraction des revenus est comptabilisée pour le calcul final des pensions, et enfin les procédures de gestion des ressources humaines. Signe particulièrement alarmant : ce sont les personnels les plus jeunes qui sont les plus enclins à partir, posant un risque à très court terme pour l’organisation tout entière. Étant donné le rôle crucial des HU dans les soins médicaux, la formation et la recherche, cette enquête souligne l’existence d’un enjeu de santé publique et de viabilité de l’organisation du système de santé national.


En 2021, l’enquête « Happy HU » (1) visant à évaluer les conditions de travail et la prévalence du mal-être au travail (burnout, stress, idées suicidaires) avait déjà mis en évidence combien cette population était particulièrement touchée par des problèmes de santé mentale. En parallèle, cette première enquête avait esquissé la volonté de quitter leur profession pour nombre d’entre eux. Bien que la pratique clinique et hospitalière soit perçue comme gratifiante, et c’est là un paradoxe fort souligné par cette recherche, plus de la moitié des répondants ont déjà envisagé ou envisageraient de démissionner (50%), de rejoindre le secteur privé (55%) ou de prendre une année sabbatique (65%).

Des intentions de départ latentes mais réelles Afin de mieux comprendre cette problématique, Sarah Alves a lancé à l’automne 2023 le « Baromètre HU » avec le soutien logistique du Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU) qui a transmis largement cette nouvelle enquête aux publics cibles, au-delà des personnels syndiqués. Il s’agissait cette fois de mesurer les intentions de départ des HU et leurs principaux antécédents, à savoir la satisfaction et l’engagement au travail. Avec 838 répondants, soit plus de 13% de la population totale active cible, les résultats préliminaires de cette enquête mettent en évidence les points suivants :

Les HU aiment leur métier, bien que l’enquête révèle quatre facteurs majeurs d’insatisfaction au travail : les conditions de travail (moyenne 2,58 sur une échelle de 52), l’application interne des règles et des procédures (2,48/5), les salaires (2,36/5) et le manque de reconnaissance (2,79/5).

Les HU restent engagés envers l’hôpital public, l’intérêt général ayant été un facteur clé de leur choix de carrière. Ils sont également fortement attachés à leur rôle de soignants couplé à leur rôle d’universitaires, ainsi qu’à la qualité des soins dispensés dans leur établissement. Cependant, des difficultés significatives sont observées vis-à-vis des institutions de soins dans lesquelles ils évoluent, dont les méthodes de gestion des ressources humaines les désincitent à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Par conséquent, en dépit de leur engagement fort, de nombreux HU aspirent à trouver un poste qui correspond mieux à leurs besoins personnels (3) et 31,4% d’entre eux expriment des intentions élevées de départ. Malgré leur loyauté, ils sont ouverts à travailler dans un environnement similaire au plus tôt. Plus inquiétant encore pour la profession, les HU plus jeunes (non-titulaires) présentent des signes plus marqués de volonté de départ et sont plus enclins à envisager une carrière dans le secteur privé ou en dehors de l’hôpital (4).

En conclusion, le « Baromètre HU » confirme les préoccupations gouvernementales et celles des instances dirigeantes du secteur de la santé. Les résultats confirment également les données du Centre National de Gestion de 2023 : entre 2016 et 2023, les demandes de disponibilités ont augmenté de +95,5% et l’évolution entre 2022 et 2023 démontre une accélération du phénomène. Il faut donc s’inquiéter de l’attractivité des carrières HU et de la fidélisation de ses équipes en place.

Le SHU appelle à des négociations début 2024 !
Le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU) salue l’annonce faite par Sylvie Retailleau à l’occasion des 18e assises hospitalo-universitaires sur l’amélioration du statut des CCU-AH et AHU avant l’été 2024, sans préciser toutefois les avancées.
Le SHU se félicite également de l’évolution des nouvelles disciplines universitaires (maïeutique, science infirmière, science de rééducation et réadaptation) vers un statut de bi-appartenant, qui associe l’enseignement, la recherche et les soins indispensables pour des formations professionnalisantes.
Les mesures récentes pour la retraite ne sont pas un progrès, mais une simple reconnaissance de la fonction de soins des HU. Ce rattrapage historique est loin d’emporter la satisfaction et toutes les craintes doivent être levées. La mesure doit être améliorée pour devenir réellement attractive. La possibilité de carrière complète dans le système de retraite de l’état en validant les services auxiliaires doit être restaurée. L’injustice générationnelle et les baisses de rémunérations de cette mesure doivent être corrigées au plus vite.
Le Ministre de la Santé a bien spécifié que le sujet n’était pas épuisé et qu’il s’engageait sur un calendrier urgent. Une sorte de Task force, incluant les propositions des 3 conférences, doit être mise en place pour des réponses concrètes dans les 4 à 6 mois. Le SHU demande qu’il soit ouvert de véritables négociations sur l’attractivité globale de la carrière hospitalo-universitaire avec des points concrets avant l’échéance des examens nationaux (ECOS) du mois de mai 2024. En gage de volonté d’améliorer l’attractivité, le Ministre a annoncé l’alignement du temps de travail hebdomadaire des hospitalo-universitaire à 10 demi-journées. Cette revendication portée par le SHU sera une avancée majeure lorsqu’elle sera inscrite dans le décret du statut unique du 13 décembre 2021.

1 https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/article-abstract/2802817

2 L’échelle comprenait 5 niveaux : de 1, pas du tout d’accord, à 5 tout à fait d’accord. Les questions commençaient par « Actuellement, dans votre structure de soins, êtes-vous satisfait.e de… ? »

3 A la question « Combien de fois rêvez-vous d’obtenir un poste qui répondrait mieux à vos besoins personnels, sur une échelle allant de 1, jamais, à 5, toujours, les MCUPH ont une moyenne de 3,33/5 et les PUPH ont une moyenne de 3,05/5.

4 A la question « Combien de fois rêvez-vous d’obtenir un poste qui répondrait mieux à vos besoins personnels, sur une échelle allant de 1, jamais, à 5, toujours, la moyenne des non titulaires est de 3,56/5. A la question « combien de fois avez-vous envisagé de ne plus exercer dans un service hospitalier », la moyenne des non titulaires est de 3,26/5.

Communiqué de presse, SHU