Fin de vie : l’Académie de médecine prône dignité et apaisement

FacebookXBlueskyLinkedInEmail

« Favoriser une fin de vie digne et apaisée : répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables« , voici la position officielle de l’Académie de Médecine rendue dans un avis dans la perspective d’une loi sur la fin de vie dans laquelle le législateur retiendrait une aide active à mourir.

L’Avis de l’Académie de médecine résulte de débats contradictoires menés au sein de son Comité d’Éthique. Il s’inscrit dans la programmation de la nouvelle loi, dans laquelle le législateur retiendrait une aide active à mourir. Tout en soulignant la valeur du socle législatif actuel, et la nécessité de le maintenir*, il vise à concilier le double objectif de mieux protéger les plus vulnérables et de répondre à certaines souffrances non couvertes par la loi actuelle et alerte sur les risques potentiels encourus en l’absence de mesures destinées à prévenir les dérives auxquelles pourrait donner lieu l’évolution du cadre législatif. Alors que la relation des êtres humains avec la mort est de l’ordre de l’intime, les lois ne traitent que du général et méconnaissent la singularité des situations de désarroi et de souffrance. Aucune loi ne pourra jamais répondre à la multiplicité des situations de fin de vie, à leur complexité et au vécu et attentes spécifiques de ceux qui les vivent. De plus, une nouvelle loi n’atteindra pas sa cible si, comme la loi actuelle dite Claeys-Leonetti, elle reste méconnue et insuffisamment appliquée, faute de personnels et structures d’accompagnement et de soins palliatifs.

Les recommandations de l’Académie (cf. encadré bas de texte) soulignent que l’objectif de favoriser une fin de vie digne et apaisée ne pourra être atteint et ne saurait améliorer la situation existante sans garantir en priorité la protection des personnes les plus vulnérables par des dispositions très strictes encadrant la prise de décision et intensifiant l’accompagnement de la fin de vie. Le devoir de respect de la vie humaine et de non-abandon des plus fragiles est le pilier essentiel de la vie en société.

Tenant compte de la volonté du législateur de modifier le cadre actuel de la loi sur la fin de vie, l’Académie nationale de médecine tient donc à :
Souligner l’importance et l’intérêt des dispositions législatives en place portant sur la fin de vie à court terme, socle d’une avancée humaine, qui sont à conserver précieusement et à confirmer tant elles sont essentielles.
Alerter sur le décalage inacceptable entre les droits ouverts par ces textes législatifs en vigueur, et leur application hétérogène sur les territoires, en particulier par l’insuffisance de l’offre d’accès aux soins palliatifs.
Réaffirmer que l’accompagnement, l’écoute, l’attention portée à la personne en fin de vie et à ses proches doivent être assurés (quelle que soit la décision prise).
Affirmer qu’il est inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d’abréger les souffrances qu’elles subissent du fait d’une maladie grave et incurable.
Répondre à ces situations de supplice non soulagé d’une vie sans espoir, en aménageant de manière encadrée le dispositif actuel par l’ouverture de droits nouveaux pour aider à mourir le moins mal possible, en acceptant à titre exceptionnel l’assistance au suicide, sous conditions impératives.
Souligner la difficulté mais aussi la nécessité de concilier les messages de prévention du suicide et les soins prodigués dans les suites d’une tentative de suicide, avec l’assistance au suicide.
Écarter l’euthanasie au regard de sa forte portée morale et symbolique, mais aussi du fait que les professionnels et membres des associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent et redoutent cette pratique.
Affirmer qu’une reconnaissance de l’assistance au suicide rend impérative la nécessité de mettre en place sur l’ensemble du territoire une offre en soins palliatifs correspondant aux besoins et accompagnée des moyens nécessaires.
Souligner que l’assistance au suicide ne saurait suffire à une fin de vie paisible et digne que seul peut apporter un accompagnement compétent et attentionné, respectueux de la demande des patients et de l’attente de leurs proches. D’où le prérequis impératif d’un accès aux soins palliatifs et de la formation initiale et continue obligatoire de l’ensemble des professionnels de santé afin de garantir un continuum entre les soins curatifs et palliatifs.

Recommandations de l'Académie nationale de médecine dans la perspective d’une loi dans laquelle le législateur retiendrait une aide active à mourir :
1– Appelle à maintenir tout en les aménageant les dispositions législatives en place, à mieux faire connaitre les droits acquis des personnes sur la fin de vie, et à développer prioritairement la formation obligatoire des professionnels de santé et l’offre de soins palliatifs pour tous et partout, avec les moyens nécessaires.
2– Se positionne et affirme avec fermeté la nécessité absolue de protéger les personnes les plus vulnérables dont la liberté de choix en fin de vie peut être questionnée en raison d’une capacité de discernement altérée.
3 – Demande une extrême vigilance si devait être retenue l’assistance au suicide, afin d’éviter toute dérive en mettant en place des conditions impératives et limitatives énoncées dans le présent avis et en évaluant régulièrement leur application stricte.
4– Exige notamment d’encadrer les prises de décision concernant l’assistance au suicide par une évaluation préalable réactive et répétée, rigoureuse, collégiale, multiprofessionnelle, suite à la demande de la personne en capacité de discernement et bénéficiant de soins palliatifs.
5- Appelle à exclure du champ de l’indication d’une assistance au suicide les troubles psychologiques, l’état dépressif, le grand âge avec troubles cognitifs avérés, les maladies et handicaps avec altération de la capacité de jugement.
6- Affirme l’immense attention qui doit être portée à la situation de mineurs en fin de vie, et dont les parents ne sauraient avoir à supporter une douloureuse prise de décision.
7– Rappelle la possibilité en cas de difficultés, d’incertitudes ou de conflit sur la décision à prendre d’avoir recours à une juridiction collégiale ou à un magistrat spécialisé.
8– Demande la reconnaissance dans la loi d’une clause de conscience pour les professionnels de santé opposés à une assistance au suicide.
9– Appelle à la vigilance sur l’application effective des dispositions nouvelles venant aménager les dispositions législatives en place.

*Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs ; Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ; Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Avis (PDF) « Favoriser une fin de vie digne et apaisée : Répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables ». L’Académie dans sa séance du mardi 27 juin 2023, a adopté le texte de cet avis par 60 voix pour, 24 voix contre et 10 abstentions.