Dépression résistante : le non-remboursement de la rTMS est une « perte de chance » !

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Dans un communiqué (ci-dessous), six chercheurs en neurosciences dénoncent « la perte de chance » que constitue l’absence de remboursement d’une technique de stimulation magnétique du cerveau (la rTMS) dans le traitement de la dépression résistante. Face aux preuves scientifiques, l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), rendu en ce sens en juillet, est selon eux « une décision incompréhensible ».

La HAS maintient sa position. À l'occasion d'un entretien avec Hospimedia le 22 décembre, Cédric Carbonneil, chef du service d'évaluation des actes professionnels de la HAS, défend l'évaluation de l'agence sanitaire, après avoir bien rappelé le cadre précis dans lequel elle s'inscrit. « Nous maintenons notre position » sur le remboursement, a indiqué Cédric Carbonneil, même si cet avis « n'est pas définitif et pourra évoluer » à l'avenir selon l'évolution des connaissances. Aujourd'hui, il n'y a aucun consensus sur la pertinence de la RTMS dans l'indication étudiée, au niveau français ou international, appuie-t-il, « c'est une question qui agite la psychiatrie et en France, nous n'échappons pas à cette discussion qui n'est pas réglée ». 

La Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu en juillet 2022 un avis défavorable au remboursement de la Stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) pour la dépression résistante. Cet avis va à l’encontre des recommandations internationales sur le sujet puisque cette technique est proposée dans tous les algorithmes de prise en charge de ce trouble grave, qui touche 6% de la population, avec des conséquences dramatiques désormais bien connues comme la réduction de la qualité de vie, les difficultés d’intégration sociale et professionnelle, les conduites à risque (usages de substances addictives, conduites suicidaires).

La rTMS est une technique non invasive et indolore de stimulation cérébrale qui permet, seule ou associée aux antidépresseurs, de diminuer de 50% les symptômes de dépression résistante chez plus d’un patient sur deux. Presque un patient sur trois est en rémission (n’a plus de symptômes) à la fin de la cure. Elle est pratiquée dans plusieurs centres universitaires, et non universitaires, public ou privés, mais son accès est très limité car elle n’est pas remboursée ce qui freine son déploiement. L’avis de l’HAS se base sur une méta-analyse non validée par les pairs qui porte sur seulement 8 études alors qu’il en existe plusieurs centaines, et qu’il existe déjà de nombreuses méta-analyses qui retrouvent à la fois une efficacité de la technique et un intérêt médico-économique. Cette technique est notamment déjà remboursée dans plusieurs pays (USA, Australie, etc.).

Cet avis défavorable peut représenter une perte de chance pour les patients et freiner le déploiement des thérapeutiques innovantes ainsi que les efforts de recherche qui sont pourtant considérables dans ce domaine. Cette décision de la HAS est d’autant plus incompréhensible que quelques mois plus tôt les Assises de la Santé Mentale sont venues consacrer cette technique avec l’annonce par le Président Emmanuel Macron de la création de l’Institut de Stimulation Cérébrale doté de 20 millions d’euros.

Enfin, la rTMS vient d’être reconnue par l’HAS pour le traitement de l’aphasie après un AVC, ce qui interroge sur ce « deux poids, deux mesures », les patients souffrant de maladie neurologique ayant le droit d’en bénéficier alors que les patients souffrant de dépression sévère et résistante n’y auraient pas droit malgré des preuves scientifiques solides et une innocuité que l’HAS reconnait-elle même. Une tribune dans Le Monde « La rTMS est une thérapeutique innovante de la dépression qui doit être reconnue » vient de paraitre à ce sujet (23/11/2022). Par ailleurs, le Conseil National Professionnel de Psychiatrie, organisme représentatif composé de 19 associations et collèges professionnels, a également pris position en faveur de cette thérapeutique.

Nous soulevons donc l’hypothèse d’un malentendu au sein des experts ou/et des référents techniques de la Commission ad-hoc, et nous demandons ainsi une réévaluation dans les plus brefs délais de la littérature scientifique sur le sujet par l’HAS afin que ne soit pas limité l’accès à une technique efficace utilisée en soins courants dans de nombreux pays.

Infrastructure de Recherche Clinique en Neuroscience
iCRIN – Lab (institut du Cerveau ICM)
Hôpital Pitié, 47 Bd de l’Hôpital, 75013 Paris
Pr. Bruno MILLET – Pr. Florian FERRERI – Dr. Alexis BOURLA – Dr. Redwan MAATOUG – Dr. Stéphane MOUCHABAC – Dr. Vladimir ADRIEN
Adresse de contact : b.millet@aphp.fr ou alexis.bourla@aphp.fr

L’iCRIN est une infrastructure de recherche en psychiatrie et composée de spécialistes en neuromodulation permettant d’étudier et de proposer aux patients résistants aux traitements des méthodes innovantes non invasives (stimulation transcrânienne à courant continu, stimulation magnétique transcrânienne répétitive et stimulation magnétique transcrânienne profonde) et invasives (stimulation cérébrale profonde) afin de leur faire bénéficier d'un nouveau processus de soins émergent pour les aider à améliorer leur qualité de vie. Ce communiqué reflète l’opinion de l’iCRIN-Lab et n’engage en aucun cas l’ICM ou les hôpitaux auxquels appartiennent les membres de l’iCRIN.

En savoir plus : télécharger l’Avis sur le pré-rapport de la HAS intitulé « Stimulation magnétique transcrânienne dans le traitement de la dépression résistante, validé le 28/10/2021.

• Documents de la HAS
Stimulation magnétique transcrânienne dans le traitement de la dépression de l’adulte – Rapport d’évaluation
Stimulation magnétique transcrânienne dans le traitement de la dépression de l’adulte – Annexes du rapport d’évaluation
Stimulation magnétique transcrânienne dans le traitement de la dépression pharmacorésistante de l’adulte – Note de cadrage