Directives anticipées en psychiatrie : une dénomination inappropriée…

N° 274 - Janvier 2023
FacebookXBlueskyLinkedInEmail

En psychiatrie, différentes mesures d’anticipation ont vu le jour ces dernières années, permettant aux personnes d’exprimer leurs préférences pour leur accompagnement futur en cas de crise. Cependant, sur le plan juridique, les termes de « Directives anticipées » restent inappropriés.

Les directives anticipées (DA) ont été définies par la loi du 22 avril 2005 relative à la fin de vie (Loi Léonetti). En droit français, cette dénomination désigne un document écrit, signé, rédigé par une personne (majeure et capable) et exprimant « la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux » (1). Elles constituent ainsi le testament de fin de vie d’une personne (2).

• Quel est le fondement juridique des Directives anticipées en psychiatrie (DAP) ?

Les termes de DAP, communément utilisés par bon nombre de professionnels de santé, ne reposent sur aucun fondement juridique. Dans le même registre, on lit également Plan de gestion de crise ou Plan de crise conjoint. Une confusion s’opère entre les DA au sens de la loi Léonetti et l’usage inapproprié du terme DAP qui désigne le recueil des souhaits d’une personne par anti- cipation si elle devait subir une crise.

• Le plan de prévention partagé (PPP)

Dans ce contexte, il serait préférable de retenir la dénomination énoncée par la Haute Autorité de santé (HAS) dès 2016, à savoir le Plan de prévention partagé (PPP). Il vise à produire un document de recueil des souhaits de la personne pour mieux prévenir et prendre en charge les moments de crise. Cette appellation figure en particulier dans un guide récent de l’agence de santé sur les bonnes pratiques en matière de programmes de soins (3). La HAS y précise dans son préambule le choix préférentiel du terme PPP :

« Ce plan de prévention partagé (PPP) s’inscrit dans la continuité des publications précédentes de la HAS qui proposent des outils pour impliquer le patient dans les décisions qui concernent sa santé, pour augmenter sa participation dans un esprit de co-construction ; il s’appuie notamment sur les travaux autour de la notion de décision partagée, démarche centrée sur le patient pour une réelle personnalisation des soins, en particulier dans le cas de pathologies chroniques; il peut trouver sa place notamment dans le cadre de l’éducation thérapeutique.

Ce PPP s’inspire aussi des démarches développées pour aider un usager à désigner une personne de confiance (art. L.1111-6 du CSP) et à préparer, en amont de sa fin de vie, des directives anticipées (art. R. 1111-19, I du CSP) proposées par la loi. Certains travaux publiés ou en cours, initiés par des équipes psychiatriques en France ou à l’étranger, ont retenu ce terme ; d’autres parlent plutôt de “plan de crise”, notamment au Royaume-Uni. Pour ne pas entraîner de confusion, la HAS dès 2016 a choisi, dans le cadre de ses travaux sur la prévention de la violence, de ne pas reprendre ces termes, mais plutôt de parler de PPP; il s’agit dans ce cas de se positionner un peu à distance de la crise et de mettre l’accent plus précisément sur les notions de prévention et d’implication du patient, en référence à la décision partagée; de fait cette appellation est plus générique et peut englober différentes situations et différents contextes de soins en psychiatrie. »

Par ailleurs, une instruction récente déclinant le nouveau cadre relatif aux mesures d’isolement et de contention (4) renvoie à plusieurs reprises au PPP. On ne relève pas le caractère impératif dans l’élaboration du PPP, mais l’incitation à réfléchir sur le déploiement de cet outil. Ce texte fait état, à plusieurs reprises également, de la réflexion à mener dans le cadre du recueil préalable de l’identité des personnes habilitées à être informées, au-delà des seuils réglementaires de 24 heures (pour l’isolement) et de 48 heures (pour la contention) de la mesure prise par un psychiatre (4). Le document recueillant les coordonnées des proches peut ainsi être le PPP.

Ainsi, en psychiatrie, le recueil des souhaits du patient à titre préventif dans le cadre de la gestion de crise ne peut juridiquement être dénommé directives anticipées. Il conviendrait donc d’opter pour les termes de Plan de prévention partagé (PPP), pour éviter toute confusion.

Valériane Dujardin-Lascaux
Juriste, EPSM des Flandres, Bailleul.

1– Article L.1111-11 du Code de la santé publique.
2– Le Ministère de la Santé a élaboré deux modèles de directives anticipées selon l’état de santé de la personne au moment de la rédaction du document.
3– Programme de soins psychiatriques sans consentement. Mise en œuvre. Recommander les bonnes pratiques, HAS, mars 2021. L’annexe 2 porte sur le PPP (définition, objectifs, méthode d’élaboration, exemple de contenu).
4– Instruction du 29 avril 2021 relative à l’accompagnement des établissements de santé autorisés en psychiatrie pour la mise en œuvre du nouveau cadre relatif aux mesures d’isole- ment et de contention. Voir p. 4 et 5, Point 1.3, Information en cas de renouvellement excep- tionnel des mesures, 3e paragraphe. P. 10, Point 2.2.1, états des lieux réguliers des pratiques, protocoles, débriefings, 2e paragraphe. P. 7 – Point 2.1.2. L’organisation de l’information, Infor- mation des personnes habilitées à saisir le JLD, 2e paragraphe. P. 10, point 2.2.2., Réflexion sur les organisations et mise en place d’alternatives à l’isolement et à la contention.