Trouble mental et irresponsabilité pénale : pas de distinction selon l’origine du trouble

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Une personne qui a commis un acte sous l’emprise d’une bouffée délirante abolissant son discernement ne peut pas être jugée pénalement même lorsque son état mental a été causé par la consommation régulière de produits stupéfiants. En effet, la loi ne prévoit pas de distinction selon l’origine du trouble psychique.

Cet arrêt rendu par la Cour de Cassation le 14 avril fait suite aux pourvois formés contre une décision d’irresponsabilité pénale pour trouble mental en faveur de l’auteur d’un homicide volontaire à caractère antisémite d’une retraitée de confession juive à Paris en 2018. Dans un communiqué, la Cour rappelle que, selon la loi, « une personne ne peut pas être tenue pénalement responsable de ses actes lorsqu’elle était atteinte, au moment des faits qui lui sont reprochés, d’un trouble psychique ou neuropsychique qui a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes« .

Concernant l’irresponsabilité pénale et les règles de procédure, la Cour souligne que lorsqu’à l’issue des investigations et des expertises psychiatriques, « il existe des charges suffisantes contre une personne mise en examen pour un crime et qu’il est plausible qu’elle soit pénalement irresponsable, le juge d’instruction peut saisir la chambre de l’instruction pour que des débats aient lieu sur ces deux questions en présence des parties civiles, des experts et, le cas échéant, de la personne mise en examen« 

C’est ainsi que les juges d’instruction ont procédé dans cette affaire. La chambre de l’instruction a considéré « qu’il existait des charges suffisantes contre l’intéressé d’avoir commis les faits de séquestration d’une famille et de meurtre d’une femme aggravé par la circonstance que les faits ont été commis en raison de l’appartenance de la victime à la religion juive« .

Selon les avis unanimes de différents experts psychiatriques, cet homme présentait, au moment des faits, une bouffée délirante aigüe. Après avoir relevé que cette bouffée délirante « était due à la consommation régulière de cannabis« , la chambre de l’instruction a déclaré l’homme « pénalement irresponsable, son discernement ayant été aboli lors des faits« . La chambre de l’instruction a placé cet homme en soins psychiatriques contraints sous la forme d’une hospitalisation complète et l’a soumis à une interdiction d’entrer en contact avec les parties civiles et de paraître sur le lieu des faits pendant vingt ans.

La question posée à la Cour de Cassation était la suivante : lorsqu’elle est à l’origine d’un trouble psychique, la consommation de produits stupéfiants constitue-t-elle une faute qui exclut l’irresponsabilité pénale ?

Voici la réponse de la Cour de Cassation : en cohérence avec la jurisprudence antérieure, mais pour la première fois de façon aussi explicite, la Cour de Cassation explique « que la loi sur l’irresponsabilité pénale ne distingue pas selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes« . Or, le juge ne peut distinguer là où le législateur a choisi de ne pas distinguer. Ainsi la décision de la chambre de l’instruction est conforme au droit en vigueur. Les pourvois formés par les parties civiles sont donc rejetés.

Cet arrêt relance le débat sur la question complexe et sensible de l’irresponsabilité pénale : le Président de la République, Emmanuel Macron, demande au ministre de la Justice de faire évoluer la loi, de sorte que l’auto-intoxication volontaire aux stupéfiants soit un critère d’exclusion de l’irresponsabilité , tandis que des sénateurs ont également déposé une proposition de loi dans ce sens.

Lire l’Arrêt n°404 du 14 avril 2021 (20-80.135) – Cour de cassation – Chambre criminelle
– ECLI:FR:CCAS:2021:CR00404