« L’indignité » pointée par le CGLPL au sein de l’unité Cassiopée de l’AP-HM

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Le rapport de visite du contrôleur général des lieux de prication de liberté (CGLP) du pôle de psychiatrie de l'AP-HM est sans ambiguïté : “Il doit être mis un terme sans délai à l’indignité et au non-respect des droits fondamentaux des patients en soins sans consentement pris en charge au sein de l’unité Cassiopée de l’AP-HM“. Extrait de la synthèse du rapport.

L’AP-HM gère trois secteurs de psychiatrie sur le site de Sainte Marguerite (ou « Sud », 239 lits et places), trois secteurs sur le site de La Conception (179 lits et places) et les urgences psychiatriques (CAP 48, 10 lits) sur le site de la Timone.

Il y avait jusqu’en 2015, deux pôles de psychiatrie qui ont fusionné : le pôle dit universitaire à Sud et le « non universitaire » à la Conception. Un autre pôle est spécifique à la médecine et psychiatrie en détention et ne fait pas l’objet du présent contrôle. Le pôle de psychiatrie couvre ainsi les 4ème, 5ème ,6ème, 7ème ,8ème ,9ème et 10ème arrondissements de Marseille.

Le contrôle a concerné les onze unités d’hospitalisation complète du pôle ainsi que l’unité des urgences psychiatriques. Le constat des contrôleurs a porté majoritairement sur trois grands points.

1 – Tout d’abord, la notion de patient sujet de droit méritera incontestablement une attention particulière car elle constitue une faiblesse importante de l’établissement.

Le point important du constat des contrôleurs a concerné l’unité Cassiopée dans laquelle la dignité des personnes n’était pas respectée. La qualité des soins psychiatriques par les soignants et les médecins n’est pas en cause et il a été observé le professionnalisme et la bienveillance des soignants. Malheureusement, ceux-ci sont placés dans des conditions d’exercice anormales de leur mission, au sein d’une organisation inadéquate de la filière de soins de psychiatrie sur le site de Sainte-Marguerite.

En effet, cette unité n’est qu’un assemblage de onze chambres d’isolement, qui étaient encore toutes fermées la nuit quatre mois avant le contrôle et encore au moment du contrôle pour les patients détenus, sans que cela ne soit enregistré dans le logiciel Cimaise et même décidé par un médecin. Les chambres, utilisées fermées comme CI, sont impropres à l’apaisement d’une crise : un sas qui empêche l’accès à l’eau et aux toilettes et aux commandes électriques, des fenêtres non occultables, pas d’aération, pas d’action sur la lumière, pas d’horloge. De plus elles sont quasi toutes insalubres avec des sols décollés, des fenêtres qui ne s’ouvrent plus, des fils électriques apparents et interrupteurs cassés. Les chambres sont sans meuble, avec uniquement un lit métallique au centre de la pièce fixé au sol. Les pratiques d’isolement (porte de chambre fermée) n’y sont pas analysées par les équipes.

Enfin les conditions hôtelières accentuent l’indignité : le service ne dispose pas de serviette pour les patients sans famille ou indigents ; les familles doivent déposer leurs affaires personnelles (sacs, téléphone) avant de rentrer dans l’unité ; cinq caméras se trouvent dans l’unité de soins et filment en permanence les patients, les écrans étant visionnés par des vigiles privés. Un pyjama stigmatisant est obligatoire les vingt-quatre premières heures sans raison médicale. L’accès au patio extérieur n’est possible qu’accompagné. Le tabac est contingenté arbitrairement par les soignants.

L’indignité de cette prise en charge est accentuée par des locaux structurellement inadaptés à l’exercice de la psychiatrie : pas de bureau d’entretien garantissant la confidentialité et la sérénité d’une consultation, pas de salle d’activité, pas d’espaces d’apaisement et d’hypostimulation différenciés, pas de salon famille. Cette indignité n’est, par ailleurs, pas atténuée par les activités (occupationnelles et thérapeutiques) qui sont réduites à peu de chose. Elles ne sont pas organisées et intégrées dans le projet de soins.

Les restrictions de liberté sont systématiques pour tous les patients sans rapport avec la clinique ; retrait du téléphone et de toutes les affaires personnelles à l’exception des vêtements qu’il porte.

Ces constats ont fait l’objet d’une lettre au Ministre de la Santé lui demandant de mettre un terme à cette prise en charge indigne. L’établissement a rapidement réagi et s’est engagé à transformer les modalités d’hospitalisation au sein de l’unité Cassiopée dans l’attente d’une fermeture définitive de ce service.

Toujours sur le sujet du patient sujet de droit, l’information donnée aux patients sur leurs droits est insuffisante, informelle et parfois inexacte : les livrets d’accueil, non spécifiques à la psychiatrie, sont rarement remis, les règles de vie peu écrites. Par ailleurs, la personne de confiance est globalement peu intégrée dans la prise en charge. La notification des droits des patients en soins sans consentement est faite mais les copies signées ne sont pas partout données ; les certificats médicaux sources des décisions du directeur aux arrêts du préfet ne sont pas joints à la notification. Enfin, les décisions ne sont pas prises en temps réel et sont notifiées avec retard. Tous ces points ont été pris en compte par l’établissement qui les a corrigés.

Enfin, le registre de la loi ne permet pas de contrôler le déroulement de la procédure, difficilement consultable, et avec des informations et pièces manquantes. Quant aux audiences du juge des libertés et de la détention, elles devraient se tenir au sein de l’établissement.

Une recommandation a été émise dans le cadre du respect plus global de la dignité et du respect des droits fondamentaux, de faire en sorte qu’un comité d’éthique spécifique à la psychiatrie se mette en place et cette recommandation a été suivie.

Les deux autres points concernet l’organisation et les conditions de la prise en charge.

Rapport de visite du pôle de psychiatrie de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône), 6 au 17 janvier 2020 – Première visite