Dans un courrier (reproduit ci-dessous) adressé à Agnès Buzyn, 120 psychiatres essentiellement chefs de pôles et de services, alertent sur un problème d'affectation effective des moyens dédiés à la psychiatrie dans les établissements généraux et universitaires et certains GHT.
Madame la Ministre,
Vous avez à plusieurs reprises souligné à quel point la psychiatrie est aujourd’hui une discipline en grande difficulté. Les enjeux pour la santé publique y sont pourtant majeurs : du
dépistage et de l’intervention précoce jusqu’à la réinsertion de personnes en situation de handicap psychique souvent lourd, en passant par les soins aigus et chroniques, la prévention du suicide et des troubles du comportement ou encore des addictions, et cela dans des populations très larges et très variées (jeunes, sujets âgés, santé au travail, milieu pénitentiaire, etc.). Toutes ces missions sont portées en très grande partie par la psychiatrie publique, au travers notamment des secteurs de santé mentale et des divers établissements hospitaliers du territoire. Mais cette discipline traverse aujourd’hui une crise que personne ne peut nier. Le risque, déjà très présent sur de nombreux sites, est de voir s’effondrer la qualité de l’offre de soin en santé mentale.
Vos récentes déclarations insistent surtout sur des problématiques d’organisation, et nous sommes bien sûr tous prêts à continuer à travailler collectivement à l’amélioration des dispositifs et des parcours de soins. Mais la question des moyens est elle aussi incontournable, notamment car les interventions en santé mentale sont avant tout des soins relationnels et humains sur lesquels des économies répétées ne sont pas réalisables.
Au-delà de la question complexe des modes de financement des soins psychiatriques dans leur ensemble, nous souhaitons attirer votre attention sur celle, plus circonscrite, des moyens attribués aux services de psychiatrie des établissements généraux et universitaires, et de certains GHT. L’affectation des Dotations Annuelles de Financement (DAF) s’y avère en effet, dans bien des cas, réellement problématique. Pour différentes raisons variables selon les sites, il est fréquent que la DAF prévue pour le fonctionnement des services de psychiatrie de ces établissements ne leur soit pas entièrement affectée, avec des conséquences très délétères pour l’offre de soins et les conditions de travail des personnels. Bien souvent, ces affectations se font sans transparence vis-àvis des responsables médicaux concernés, et cela malgré les rappels qui sont faits régulièrement sur ces irrégularités. Cette réalité fait par ailleurs obstacle à la bonne intégration des pôles de psychiatrie aux GHT généralistes.
Sans aborder donc ici la question du montant total des dotations, nous formulons la demande de dispositions réglementaires garantissant la mise en oeuvre complète des moyens DAF alloués sur tous les sites, et demandant aux établissements de rendre compte annuellement des dépenses effectuées pour les activités de psychiatrie.
Nous nous tenons à votre disposition pour tout échange à ce sujet, et vous remercions par avance de l’attention que vous pourrez porter à cette demande essentielle pour l’accès à des soins de qualité dans tous les territoires.
Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’expression de notre plus haute considération.
Correspondance : Pr Antoine PELISSOLO – Service de Psychiatrie, HU Henri-Mondor – 40 rue de Mesly 94000 CRETEIL
antoine.pelissolo@aphp.fr 01 49 81 31 75