Suicide : l’impact de la série phénomène

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L'équipe du programme Papageno propose une analyse de la série-phénomène 13 raisons de qui traite du suicide.

Bien que l’expression tende à être galvaudée, il ne serait pas excessif de qualifier 13 raisons de de phénomène médiatique. Depuis son lancement le 31 mars 2017, la série adaptée du bestseller de Jay Asher et diffusée par Netflix a battu des records d’audience, recueilli plus de 11 millions de tweets sous les #13ReasonsWhy et #thirteenreasonswhy, suscité des débats passionnés sur les réseaux sociaux, et fait réagir les organismes de prévention du suicide. À travers un récit posthume, le réalisateur y retrace la trajectoire suicidaire de Hannah Baker, adolescente de 17 ans, qui laisse en guise de lettre d’adieu à ses « camarades » de lycée 13 cassettes audio qu’elle leur somme d’écouter. Le principe qui guide Hannah est simple : à chaque cassette la dénonciation d’un camarade qui a contribué, selon elle, à sa trajectoire fatale.

Et c’est bien parce que 13 raisons de peut être qualifié de phénomène médiatique que la série a soulevé une vague d’inquiétudes parmi les suicidologues. Les préoccupations sont légitimes, car la nature « contagieuse » du suicide n’est aujourd’hui que peu contestée. En effet, les études épidémiologiques mettent quasi-unanimement en évidence une augmentation du risque suicidaire dès lors qu’un adolescents est exposé au suicide, soit directement dans son entourage, soit indirectement via les médias ou les réseaux sociaux. De fait, l’exposition au suicide d’un camarade d’école multiplierait le risque d’idées suicidaires de 2 à 5 fois, le risque de tentatives de suicide de 3 à 5 fois (8), et le risque de suicide de 2 à 4 fois. D’après certains auteurs, ce seraient 1 à 4 % des suicides d’adolescents qui surviendraient dans un contexte « d’épidémie » de suicide (9). D’autres vont jusqu’à affirmer que la contagion serait un facteur clé dans 60 % de suicides de cette tranche d’âge.

Les arguments que la plupart des organismes de prévention emploient pour mettre en garde contre le risque incitatif de la série reposent sur des préceptes classiques de la suicidologie appliqués aux médias. Et en effet, à première vue, 13 raisons de semble contrevenir à la quasi-totalité des recommandations pour un traitement médiatique responsable (entendu, à faible risque de contagion) du suicide. D’abord, les mythes les plus répandus relatifs aux conduites suicidaires y sont tous représentés, voire explicitement énoncés : d’après le conseiller d’éducation, le suicide de Hannah relèverait d’un « choix », cette dernière semble constamment déjouer les tentatives des adultes pour mettre au jour sa souffrance, sa progression vers la mort renvoie une impression d’inéluctabilité et le mode narratif suggère une forme de linéarité entre les 13 causes évoquées et le geste fatal. En outre, le moyen létal est directement et largement dépeint jusque dans ses détails. Enfin, jamais Hannah n’accède aux soins qui lui auraient permis de s’extraite de son tourment, et ce, malgré au moins un appel à l’aide clair.

Pourtant, un article du Monde daté du 16 Avril 2017 relève un constat détonant d’avec les craintes des professionnels. « Dans certains pays, et notamment au Brésil » note Damien Leloup, responsable de la rubrique Pixel, « des associations d’aide aux personnes suicidaires ont signalé que les appels sur leurs lignes d’écoute avaient doublé depuis le début de la diffusion de la série ». Certaines d’entre elle auraient en outre reçu des messages attestant de ce que certains jeunes en détresse n’auraient jamais appelé s’ils n’avaient pas vu la série. Comment le comprendre ?

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Le programme Papageno est un programme français visant à améliorer la qualité du traitement médiatique du suicide en vue de la prévention de celui-ci. La méthodologie déployée vise à faire naître et à entretenir chez les étudiants en journalisme la conscience de leur responsabilité sur cette problématique. Il s’agit, à terme, d’inciter les professionnels qu’ils deviendront à mobiliser les ressources disponibles, mises en valeur par le programme. Le postulat est simple : les journalistes traiteront du suicide avec plus de précaution s’ils sont convaincus de la nécessité de le faire, donc s’ils sont sensibilisés à la problématique des conduites suicidaires et à leur marge de responsabilité en la matière.