Sexualité des ados : la question du consentement

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L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, a réalisé une enquête sur la sexualité des ados et en particulier la question du consentement, en milieu scolaire auprès des jeunes et des intervenants en éducation à la sexualité. 
L’objectif de cette enquête est double : comprendre comment les animateurs appréhendent et abordent la question du consentement lors des séances d’éducation à la sexualité en milieu scolaire, mais également comprendre comment se joue le consentement dans les pratiques des adolescents lors de l’entrée dans la sexualité, et cela à la lumière du genre. Pour ce faire, l’étude s’intéresse aussi bien aux récits des professionnels qu’aux séances mêmes d’éducation à la sexualité qui ont été observées et aux récits des adolescents

Conclusion (extrait)
L’enquête Contexte de la sexualité en France (CSF- 2006) montrait qu’«une augmentation des déclarations de rapports sexuels contraints est enregistrée dans tous les groupes d’âges ; elle apparaît plus marquée pour les rapports forcés chez les jeunes femmes de 20-24 ans. Cela pourrait traduire un abaissement du seuil de résignation dans les générations les plus jeunes, qui ont été socialisées et sexualisées dans un contexte où les rapports entre les hommes et les femmes sont plus égalitaires que dans les générations plus anciennes. » (Bajos, Bozon, 2008). Cette hypothèse se trouve confirmée par cette nouvelle enquête où en classe, lors des séances d’animation, des filles ont pu s’exprimer et/ou réagir au vu et au su de tous sur des violences subies, ou des pratiques vécues et dont elles prennent consciences publiquement comme étant des pratiques violentes.« Mais ça veut dire que je me suis fait violer ? » réagira une fille lors de l’évocation par un animateur des fellations forcées comme entrant dans le champ des condamnations pour viol. Malgré tout, et comme le montraient déjà les enquêtes précédentes, les propos des jeunes rencontrés dans cette enquête mettent en lumière que le dépôt de plainte suite à une violence sexuelle reste une démarche très rare, et ce d’autant plus qu’il s’agit des « petits copains ». Dans son ouvrage sur le consentement, Maryse Jaspard fait remarquer que « les générations récentes, nées alors que tous les droits des femmes étaient acquis, se séparentbeaucoup plus facilement et rapidement d’un conjoint violent, cette violence étant devenue un délit fortement réprouvé.» (Jaspard, 2015, p.113), il n’empêche que les relations asymétriques, symptomatiques d’un comportement de domination au sein des couples, même jeunes, perdurent. Si aujourd’hui l’accord du partenaire est une source de légitimité le fait de passer outre son refus plonge de fait le rapport sexuel dans l’illégitimité, la réalité est bien plus complexe pour les jeunes entendus lors des observations ou des entretien
 
Répondre aux besoins des garçons, le « devoir conjugal » des filles
Cette enquête a confirmé les résultats d’autres travaux en montrant à quel point la féminité et la masculinité sont socialement produites et construites mais aussi conditionnées, que filles et garçons sont inégaux face à la question du consentement. L’avancement du consentement en tant que norme de la relation sexuelle paraît à ce titre indiscutable. Filles et garçons s’accordent pour dire que le viol est le comportement illégitime par excellence, mais malgré tout, le « devoir conjugal » reste important dans les premiers temps de la sexualité, avant tout pour les filles, qui, en plus d’être des « petites copines » exemplaires, doivent être les meilleures amantes et satisfaire les « besoins sexuels » de leur partenaire. Preuve que le lien « conjugal»,– invisible juridiquement mais visible socialement – n’a pas totalement disparu sous les avancées de la prévention des violences faites aux femmes ou du viol conjugal. « La persistance d’une dichotomie intériorisée par les acteurs et renforcée par la panique morale adulte selon laquelle les femmes seraient mues principalement par des buts relationnels et affectifs et les hommes par des besoins sexuels impérieux tend à renforcer cette représentation des femmes comme agents civilisateurs des hommes. Elle ne favorise ni l’égalité entre les sexes ni l’égalité des désirs » (Bozon, 2012, p.132).
Dans les animations, comme dans les entretiens menés avec les animateurs et les jeunes, la question du consentement est essentiellement approchée sous l’angle individuel, reflétant ainsi la tendance actuelle à rendre les individus responsables de leur situation, alors qu’elle est indissociable du contexte social dans lequel elle émerge. Comme le souligne David Simard (2015), « il y a bien quelque chose qui dépasse et précède chaque individu pris isolément, à savoir la réalité sociale, qui n’est pas la seule somme des individus qui la compose, mais l’environnement dans et par lequel les individus deviennent ce qu’ils deviennent ».
 
Difficile dans ce contexte de trouver des supports qui permettent aux jeunes de se situer eux-mêmes et de faire évoluer une socialisation inscrite dans des rapports de dominations, et ce encore plus lorsqu’il s’agit d’une séance unique de deux heures dans un établissement scolaire