« Quand j'ai vu l'avis de recherche, j'ai su qu'il était trop tard. Ce visage gonflé, je l'aurais reconnu même sans son nom, ces yeux plissés, ce sourire étrange, visage fatigué qui essayait de dire ‘Tout va bien‘, quand il allait de soi que tout n'allait pas bien, visage qui me regardait sans animosité, mais sans espoir, retranché dans un lieu inaccessible, un regard qui disait 'Tu ne pourras rien‘, et ce jour-là, j'ai su que je n'avais rien pu. » Tout commence ainsi par un avis de recherche, diffusé à la suite de la disparition d'une enfant de 8 ans. La photo produit un choc chez une institutrice qui a bien connu Diana. d'emblée, elle n'a aucun doute. La fillette n'a pas été enlevée, ses parents sont responsables de sa «disparition».
Remontant sa courte vie jusqu'à sa conception, le roman égrène les témoignages de ceux qui l'ont cotoyée. Enseignants ou médecins scolaires, gendarmes, assistantes sociales, et jusqu'à la grand-mère ou le demi-frère de la victime : toutes et tous prennent la parole, dire, dans la stupeur et l'urgence de s'exprimer, ce qui s'est passé sous leurs yeux, qui les a alerté, sans que jamais ils ne puissent enrayer le dénouement fatal. Peu à peu, ils cernent les zones aveugles de cette histoire ainsi que les failles d'un système pourtant dédié à la protection de l'enfance.
Inspiré d'un fait-divers récent, ce roman choral tient volontairement à distance tout effet de style et évite la surenchère émotionnelle et compassionnelle. Il décrit des faits, tels qu'ils sont connus par les témoins : autour du trou noir de ce que fut le martyre de la petite Diana, l'auteur conserve le plus parfait silence.
Rares sont les romans ayant cette nécessité. Par son sujet, d'abord, l'enfance maltraitée et parfois l'impuissnace des acteurs sociaux à agir. Par son traitement ensuite : Alexandre Seurat a su trouver la justesse du regard et de l'écriture pour rendre compte du bouleversement qui fut le sien, lors du procès. Cette « mise en voix » littéraire est d'une belle authenticité. Elle happe le lecteur entre ses tenailles et le laisse titubant.
- La maladroite. Un roman d'Alexandre Seurat. Editions du Rouergue, col. La Brune, août 2015, 121 pages. A voir : une interview de Alexandre Seurat, disponible sur YouTube