Maria Melchior (du centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, Villejuif) et ses collaborateurs ont suivi 16 années durant une cohorte (appelée GAZEL) de 20 000 personnes constituée d’employés des entreprises GAZ de France et Électricité de France afin d’examiner les liens entre arrêts maladie pour raisons psychiatriques et mortalité. Les chercheurs se sont donc intéressés au devenir des personnes ayant été arrêtées pour raisons psychiatriques (dépression pour 59 % des cas, troubles anxieux et psychosomatiques pour 36 %, alcoolisme pour 5 % des cas) plus de 7 jours consécutifs entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1992, soit 6,5 % des personnes incluses dans l’étude. On constate que ces dernières ont une mortalité plus importante que celles n’ayant pas eu d’arrêt maladie. Les chercheurs ont ainsi observé parmi elles 6 fois plus de suicides, 60 % de décès supplémentaires par cancer du fumeur (oesophage, bouche, pancréas, voies urinaires, poumons) et 80%de décès supplémentaires par maladies cardiovasculaires. Cependant, une fois pris en compte (ajustés) les facteurs de risque de mort prématurée tels que l’âge, le sexe, le statut marital, la profession et la catégorie sociale, le niveau de consommation d’alcool et de tabac, et les arrêts maladie dus à d’autres causes médicales, l’association ne reste statistiquement significative que pour les décès par suicide. Marie Melchior souligne que ces données « montrent que l’arrêt maladie peut être un marqueur important et fiable de l’état de santé des personnes » et insiste sur l’intérêt de proposer un suivi de santé particulier aux personnes arrêtées fréquemment pour raisons psychiatriques, ce qui pourrait permettre notamment une prise en charge spécifique du risque de suicide.
Melchior M. et al., Does sickness absence due to psychiatric disorder predict cause-specific mortality? A 16-year follow-up of the GAZEL occupational cohort study, American Journal of Epidemiology doi:10.1093/aje/kwq186