Dans cet article, l’auteur propose une approche élargie du travail à domicile mené par les professionnels en psychiatrie. Au-delà du simple déplacement géographique, cette démarche de soin nécessite une réflexion théorico-clinique attentive aux mouvements transférentiels à l’oeuvre. Repères pour une clinique de « l’aller vers » et de l’habitat.
Abstract
L’intervention au domicile, l’HAD (hospitalisation à domicile), la VAD (visite à domicile), la DAD (démarche à domicile) ou l’EM (équipe mobile) dans un mouvement d’« Aller vers », l’intervenant est invité, voir accueilli, dans l’espace de vie de la personne concernée. Le logement de l’usager, son espace privé produisent un effet « feedback » s’exprimant par un discours muet et inconscient : la vie intérieure du sujet.
L’habitat est l’un des indicateurs de la santé, il constitue un espace privilégié où l’ordre, le désordre, l’aménagement du mobilier, la décoration, la propreté, les odeurs, la distribution des pièces, l’environnement physique et matériel nous délivrent de nombreux indices entre la santé mentale de l’occupant et son lieu de vie. « Comprendre l’habitat nous aide à mieux comprendre comment la personne habite son corps ».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) mentionne l’accès à un logement de qualité comme l’une des conditions de base pour mener une vie saine et comme un déterminant majeur de la santé. Agir sur le logement est un donc un levier important susceptible d’améliorer l’état de santé des habitants au sens de la définition globale de la santé de l’OMS intégrant les aspects physiques, mentaux et de bien-être social.
Par-delà les conduites obsessionnelles d’ordre et de propreté ou des désordres qui font référence à l’accumulation et l’incurie (syndrome de Diogène) ou encore à la syllogomanie (accumulateurs compulsifs), il semble intéressant d’aborder ces différentes problématiques à travers le prisme de l’habitat et de son effet miroir sur la santé mentale.
Introduction
Avant d’explorer plus avant la question de l’habitat en tant que lieu de vie, il semble nécessaire de s’interroger sur le mouvement à la fois physique et psychique de l’« Aller vers ». Nous explorerons ensuite la fonction révélatrice de l’habitat « L’habitat renvoie de nombreux signaux aussi bien sur notre santé physique que sur le reflet de notre état psychique. » (Alberto Eiger psychanalyste). Pour élargir notre réflexion nous aborderons une approche socio-culturelle des lieux de vies qui nous amènera par la question du bien-être et des données transférentielles aux expériences sensorielles engendrées par l’intervention à domicile. Enfin nous tenterons de mettre en lien des corrélations entre habitat et certaines maladies psychiques et la gestion des intimités par les équipes de soins (Intimité de l’habitant obligé de se dévoiler devant un étranger, et intimité de l’intervenant confronté à l’intime d’un inconnu. Notre conclusion nous amènera vers une question centrale qui nous à parcouru tout au long de notre réflexion ! Proposer une approche élargie du travail sur autrui à domicile par des professionnels de la psychiatrie ; d’un simple déplacement géographique à première vue, à la réflexion théorico-clinique et aux mouvements transférentiels qu’engendrent cette démarche de soin.
Ce regard sociologique et clinique est le fruit d’expériences multiples en psychiatrie générale en en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et bien sûr d’une exploration non exhaustive de la littérature à ce sujet. Ce texte a pour objectifs d’être partagé au plus grand nombre de professionnels intervenant à domicile et de susciter discussions ou débats au sein des équipes. Cet écrit pourra d’ailleurs engendrer largement une réflexion vers une autre dimension qu’est l’éthique du soin à domicile que cela soit en VAD ou en équipe mobile.
J.-P. BURNICHON : cadre de santé, consultant formateur, sociologue – Ingénierie des organisations sanitaires et sociales (Lyon . Contact : Jpbsanté@gmail.com