Directeurs de soins et cadres de santé recommandent des ratios patients/soignants « capacitaires »

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L’Association Française des Directeurs des Soins (AFDS), et l’Association Nationale des Cadres de santé (ANCIM) ont été reçues au Sénat le 18 janvier 2023 par Laurence Rossignol, rapporteure de la proposition de loi du sénateur Bernard Jomier, relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé. Par la voix de leurs Présidentes, les deux associations ont souhaité apporter quelques commentaires et points de vigilance. Cette proposition a été adoptée par le Sénat le 1er février.

Mise à jour - 2 février 2023 - Le Sénat a adopté, le 1er février 2023, la proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, déposée par le Sénateur Bernard Jomier et plusieurs de ses collègues. Les résultats du scrutin : 257 pour 16 contre. L'Ordre national des infirmiers salue cette décision, rappelant qu'il s'agit là d'une demande que l'Ordre avait formulé dans sa contribution au Ségur de la santé et qui garantira une meilleure qualité et sécurité des soins pour tous.

L’AFDS et ANCIM appellent à la vigilance…

Si l’AFDS et l’ANCIM saluent la proposition du Sénat (1) qui vise à la fois la qualité et la sécurité des soins ainsi que la qualité de vie au travail de professionnels, elles mettent toutefois en garde sur l’application de ratios réglementaires qui ne seraient pas associés à des indicateurs de charge de travail, intégrant les soins directs et les activités afférentes aux soins, à des indicateurs architecturaux, populationnels par rapport à la filière de prise en charge, organisationnels dont la logistique et le numérique de chaque établissement… qui seraient imposés comme des normes opposables. Dans un contexte actuel de raréfaction des ressources humaines disponibles, voire de pénurie massive dans certains territoires, des ratios de ce type pourraient avoir l’effet inverse de celui attendu, soit par inadéquation avec le besoin, soit par impossibilité d’accéder à la cible des ratios par manque de professionnels à recruter.

Nos deux associations recommandent de mener un travail constructif d’un cadre de références avec recommandation de bornes basses et de bornes hautes par grande catégorie de spécialité concomitamment à une réflexion en lien avec les trois questions : « comment assurer la sécurité et la qualité des soins apportés aux patients tout en garantissant une qualité de vie au travail des personnels soignants ? », « quels sont les éléments d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé ? » et « en quoi l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé résoudra à court terme la pénurie de personnels ? ».

La mise en œuvre de standards capacitaires nécessitera au préalable des mesures d’attractivité et de fidélisation fortes comme le fait de revaloriser davantage financièrement et statutairement les soignants notamment sur les secteurs à forte contraintes, prenant en charge des patients à haut niveau de dépendance et aux besoins en soins importants comme la gériatrie et la nuit. Il conviendra également de pouvoir prendre en compte dans les maquettes organisationnelles et le calcul des effectifs, du temps humain supplémentaire correspondant au pourcentage d’absentéisme, au temps de formation, à l’accompagnement des élèves en formation et des nouveaux agents, au développement de la qualité, à la recherche.

Au-delà du manque de professionnels soignants disponibles sur le marché du travail, ce dont les soignants ont besoin, hors rémunération, ce sont des conditions de travail où ils savent qu’ils pourront se sentir utiles et s’épanouir en toute confiance. Pour l’ANCIM et l’AFDS, il faut décliner cette confiance par la promotion d’une gouvernance hospitalière équilibrée sur le pilotage des organisations des soins (chef d’établissement, président de la commission médicale d’établissement et coordonnateur général des soins), ainsi que des cadres de santé ayant la possibilité d’exercer au plus près de leurs équipes sans une surcharge d’activités qui ne devrait pas leur incomber. Des cadres de santé dont la formation doit évoluer compte tenu du contexte, et en capacité d’être dans un management bienveillant avec leurs équipes, avec la définition d’un périmètre d’activités adapté et compatible avec l’exercice de leurs missions.

• Communiqué de presse du 19 janvier 2023 concernant l’audition au Sénat de Laurence Laignel, Présidente de l’AFDS et Dominique Combarnous, Présidente de l’ANCIM, sur la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé.

(1) Le Sénat débattra début février de l’opportunité d’adopter des ratios minima d’infirmiers et aides-soignants par lit ouvert ou nombre de passages pour chaque spécialité. Voir la proposition de loi