La CGLPL dénonce une augmentation des mesures d’isolement-contention, sur fond de crise profonde de la psychiatrie

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En préambule du rapport d’activité 2021 produit par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Dominique Simonot, le dénonce, une fois encore : « Il me reste à souligner combien les constats du CGLPL montrent le cruel désintérêt de l’Etat et de la société pour les plus vulnérables. Du début à la fin de la vie, ceux qui sont incapables de s’exprimer ou dont la voix porte peu parce qu’ils sont enfermés – enfants, adolescents, prisonniers, malades mentaux, ou étrangers – oui, ceux-là sont nos concitoyens et en tant que tels méritent un sort enfin juste. C’est l’affaire de tous et il est plus que temps ! »

Concernant la psychiatrie, le CGLPL, rappelle que cette spécialité « souffre depuis plusieurs années, d’une instabilité juridique, illustrée par les débats entourant les mesures d’isolement et de contention« , regrettant « que ces formes les plus graves de privation de liberté, parfois prises dans un contexte de grande violence et exécutées dans des conditions indignes, soient confrontées à ces incertitudes juridiques alors que le secteur souffre par surcroît d’une crise des moyens et de l’épuisement des professionnels« .

Une crise sanitaire qui persiste

Les visites du CGLPL dans les établissements de santé mentale en 2021 ont confirmé la crise profonde que traverse la psychiatrie publique française. Le manque criant de médecins, parfois doublé d’un manque de soignants, des injonctions contradictoires, une pression croissante des exigences sécuritaire ou médico-légales ne sont certes pas des nouveautés, puisque le CGLPL les dénonce depuis plusieurs années dans ses rapports annuels mais ces faiblesses ont été amplifiées par la crise sanitaire. De fait, le CGLPL a maintes fois rappelé « que les restrictions apportées aux visites, aux activités, à la liberté d’aller et venir des patients, ne pouvaient qu’être individualisées et motivées sur un plan médical« . La lutte contre la crise sanitaire ne peut pas être invoquée de manière systématique pour justifier des pratiques incohérentes. La Contrôleure générale a également attiré l’attention du ministère de la santé « sur la nécessité de procéder à une campagne de vaccination des patients hospitalisés au sein des établissements de santé mentale. Souvent fragilisés par des comorbidités, ils doivent bénéficier d’un accès élargi à la vaccination« .

Chambre covid dans un hôpital psychiatrique – CGLPL

« Le recours à l’isolement des patients en chambre ordinaire ou en chambre d’isolement, dans l’attente de résultat de test PCR ou en raison de leur contamination a également été remis en question à plusieurs reprises, en ce qu’elle se confond avec l’isolement sanitaire et peut être un frein à l’amélioration de l’état des patients. Certains établissements ont remédié à ce problème en créant des unités ou des chambres Covid.« 

Quid des mesures d’isolement et de contention

Et de souligner l’hétérogénéité des pratiques avec des services qui, respectant les normes de qualité des soins, « ne font quasiment jamais usage, ni de l’isolement, ni de la contention » tandis que d’autres les considèrent comme « thérapeutiques« . Rappelant une loi « qui a connu de nombreuses vicissitudes, très mal accueillie par certains au sein du corps médical », le CGLPL s’offusque « qu’elle continue d’y être contestée », au motif, qu’elle génère un surplus de formalités, s’ajoutant à une foule d’autres tâches administratives. « Certes, mais la loi s’applique et il est salutaire que les soins sans consentement, l’isolement et la contention, si durs pour les patients, ne restent pas uniquement un choix du corps médical et soient soumis à l’examen de juges impartiaux. »

« Suite à l’intervention violente d’un infirmier (?) qui m’a plaquée contre un mur et que j’ai mordu au bras dans un réflexe défensif, je me suis retrouvée sous contention, couchée sur un matelas au sol, tâche effectuée par « un escadron » d’hommes en blouses blanches. J’ai également été attachée sur une chaise toute la journée du lendemain, sans que je puisse avoir accès aux toilettes, ni avoir accès à une douche ».

Contrairement à ce que l’on attendait de la mise en place d’une réglementation de l’isolement et de la contention, il résulte de ces données que la proportion de patients isolés et placés sous contention sur l’ensemble des patients hospitalisés s’est accrue depuis quatre ans. Cette augmentation touche de le nombre des contentions connaît une hausse plus modérée. La baisse du pourcentage des contentions rapportées aux isolements est uniquement liée à la
croissance du nombre des isolements. Si l’on observe les chiffres des seuls hôpitaux généraux, l’analyse exploitable de quatre établissements montre que 25,3 % des patients ont été isolés et 2,8 % placés sous contention. L’isolement y serait donc plus fréquent et la contention plus rare, que dans les établissements spécialisés en santé mentale.

Le nombre de personnes placées en isolement alors qu’elles sont encore en soins libres a diminué régulièrement depuis quatre ans mais représentent encore 20% des personnes isolées. Sur ces quatre années, les pourcentages par établissement de personnes placées en isolement en soins libres par rapport aux patients admis varient entre 0,9 % et 11,7 %.

Les durées d’isolement ont très légèrement diminué, mais les moyennes restent très majoritairement supérieures à 48 heures, c’est-à-dire à la maximale prévue par la loi à la date à laquelle ces lignes sont écrites. Il n’en est pas de même de la durée des mesures de contention dont la durée maximale est aujourd’hui de 24 heures, durée qui correspond à la moyenne des mesures. Ces durées interrogent cependant par leur variété.

« L’analyse de registres d’isolement et de contention doit faire l’objet de directives et de formations tendant à en faire de véritables outils de réduction du nombre et de la durée de ces mesures. Cette analyse ne doit cependant pas être faite de manière isolée. L’isolement et la contention sont en effet étroitement corrélés à d’autres événements, il convient donc d’en confronter l’ampleur à une description des moyens dont le service dispose en termes de prévention ou d’alternative et de mettre son évolution en perspective avec celle de l’usage des médicaments ou avec celle des événements indésirables graves. »

Salon d’apaisement, alternative à la l’isolement et la contention dans un hôpital psychiatrique – T Chantegret pour le CGLPL

Dossier de presse CGLPL, 2 mai 2022. Rapport d’activités 2021. Publié aux éditions Dalloz (lire aussi ici), ce rapport sera téléchargeable sur le site du CGLPL à partir du 13 juillet 2022. Photos : Chambre d’isolement dans un hôpital psychiatrique @ T. Chantegret pour le CGLPL.