Anxiété, dépression, épuisement professionnel, stress post-traumatique… A travers une étude inédite en France, trois sociétés savantes de médecins du cœur (Société française de cardiologie (SFC), Société française de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire (SFCTCV), Société anesthésie réanimation coeur thorax vaisseaux (ARCOTHOVA), décryptent les conséquences psychiques de la mort des patients sur ces médecins spécialisés.
La mort est un sujet tabou pour la société mais aussi pour les soignants du cœur – cardiologues, chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs cardiaques. Ainsi à l’hôpital, ils sont isolés face à la fin de vie et au décès des patients, et communiquent peu au sein de leur service et de leur famille. Présentée au Journée européennes de la Société française de cardiologie le 16 janvier, une étude permet d’objectiver les conséquences personnelles de ces situations douloureuses.
Les résultats dévoilent un état psychique inquiétant des répondants (925 réponses de médecins du cœur ont été reçus, 747 questionnaires complets ont été analysés). Réalisée du 1er juillet 2021 au 1er octobre 2021 via un auto-questionnaire en ligne, l’enquête comportait plusieurs séries de questions sur des données sociodémographiques, le travail, le nombre décès rencontrés et trois échelles scientifiques internationales validées portant sur l’anxiété et la dépression (HADS), l’épuisement professionnel – burn-out (MBI) et l’état de stress post-traumatique (IES-R).
Des soignants lourdement impactés
Cette enquête montre que :
– 45% des répondants présentent des symptômes d’épuisement professionnel important (burn- out) ;
– 37,8% ont des niveaux élevés d’anxiété ;
– 31,1% des niveaux de dépression qui nécessiteraient une prise en charge psychologique ;
– 33% un état de stress post-traumatique (PTSD)
Parmi un quart des répondants qui déclarent globalement un niveau d’impact émotionnel très élevé :
– 17% avaient consommé des toxiques ;
– 10% avaient consommé des médicaments anxiolytiques ou anti-dépresseurs ;
– 12% avaient consulté un psychologue/psychiatre.
Santé des soignants et qualité des soins
« Nous espérons que le fait d’en parler permettra de mieux gérer les décès mais aussi les maladies graves. En comprenant les impacts sur eux-mêmes, les professionnels pourront mieux prendre en charge les patients. Mais, pour autant, cette étude met en évidence la nécessité de la prise en compte de cette problématique par les institutions hospitalières. A l’heure où les hôpitaux se dépeuplent, cette étude suggère l’urgente nécessité, au-delà du manque de moyens, de prendre soin des soignants pour qu’ils puissent prendre soin des patients » commente le Professeur Thibaud Damy, cardiologue au CHU Henri Mondor, APHP, pour la SFC-GICC. Les auteurs de la recherche proposent des témoignages de soignants sur une chaîne YouTube.
De fait, si la mort et la limitation de soins font partie du quotidien des soignants, ils n’ont généralement pas reçu de formation sur ce sujet et se sentent démunis et en détresse. Par ailleurs, ils se sentent peu soutenus par les institutions, où les psychologues sont peu nombreux et mal identifiés. Les auteurs de la recherche soulignent la nécessité de développer des programmes d’information, de formation, de soutien et de prise en charge psychologique des équipes.
Cette étude a été dévoilée au congrès de cardiologie de la SFC le vendredi 14 janvier, voir la vidéo. Les résultats seront soumis à publication. Elle sera prolongée par une enquête à destination des paramédicaux.
• Impact de la fin de vie et de la mort sur les soignants du cœur, brisons le tabou. Etude portée par le Pr Thibaud Damy, cardiologue au CHU Henri Mondor, APHP, pour la SFC-GICC, le Pr Erwan Flecher, chirurgien cardio-thoracique au CHU de Rennes, pour la SFCTCV, le Dr Sophie Provenchere, anesthésiste-réanimatrice cardiaque au CHU de Bichat, APHP, pour l’ARCOTHOVA et le Dr Frédéric POCHARD, psychiatre et auteur de plusieurs livres sur la mort et appartenant au groupe de recherche FAMIREA (www.famirea.org)
