En 1885, Freud se rend à la Salpêtrière pour assister aux leçons de Charcot qui soigne les hystériques. La neurologie d’alors – qui n’est pas encore détachée de la psychiatrie – est infiltrée de la doctrine de l’hérédodégénérescence qui divise les neurologues entre hystérophiles et hystérophobes.
Le contexte : Magnan et la théorie de la dégénérescence
A la fin du XIX° siècle, la notion prévalente en psychiatrie pour expliquer la plupart des maladies mentales est celle de la dégénérescence.
Il s’agit pour Magnan, reprenant en partie l’idée de dégradation progressive et d’abâtardissement d’une génération à l’autre introduite par Morel en 1857, de l’état d’amoindrissement pathologique d’un être dont les résistances physiques et psychiques sont diminuées par rapport à ses géniteurs.
Magnan distinguait les «prédisposés simples» (comme les mélancoliques, les maniaques, les délirants chroniques ou les patients atteints de folie intermittente) et les «prédisposés dégénérés» (arriération mentale allant de l’idiotie à la débilité, les folies conscientes comme la manie raisonnante ou les autres délirants). Tout l’art était de rechercher les stigmates de la prétendue dégénérescence. Un autre groupe regroupait les accidents de la vie survenus chez des individus normaux, et bien sûr, sans aucun rapport avec la dégénérescence. C’est le cas des délires dits à l’époque névrotiques, de l’hystérie, de l’épilepsie, de la folie toxiques et de tous les états de conscience modifiés par un état organique.

L’avantage de la classification de Magnan a été de séparer très nettement les psychoses constitutionnelles dites dégénératives et les psychoses accidentelles. La théorie de la dégénérescence a connu une grande faveur au point de peser sur toute une génération de psychiatres et même d’avoir des répercussions en criminologie. Lombroso, invoquant le déterminisme fatal et héréditaire du criminel-né à la suite des théories de la dégénérescence, proposait de rechercher les stigmates permettant d’expliquer ou de prévoir le passage à l’état criminel.
Mais l’hypertrophie de cette théorie conduit à son abandon parce qu’elle apparaissait vague, discutable et qu’au point de vue clinique elle était imprécise.
En 1913, Gilbert Ballet et son élève Genil-Perrin en firent une critique sans concession. Il est évident que Freud n’a pu échapper aux querelles qui agitaient alors la psychiatrie française, même s’il n’a jamais acquiescé à la théorie de l’hérédo-dégénérescence.
Freud, l’hystérophile
On considère classiquement que l’histoire de l’hystérie est celle de la médecine. L’hystérique est provocation à l’impuissance, et elle développe en nous des sentiments de rejet qui font que nous la connotons très souvent négativement. Mais on peut dire que, grâce à l’hystérie, Charcot et Babinski, en la pourchassant systématiquement, ont posé les bases de la neurologie. C’est aussi grâce à l’hystérie que Freud a découvert l’inconscient. Nous devons beaucoup à l’hystérie (…)