septembre 2021

La psychanalyse comme dialogue

Auteur(s) : Roland Chemama
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Roland Chemama est un homme de dialogue, qui écrit en posant honnêtement des questions fondamentales sur la psychanalyse. Ses livres ne laissent jamais indifférent. Son écriture est claire et limpide, efficace même, dirai-je ! Il poursuit son chemin et son interrogation, sans se soucier de savoir s’il est conforme à la doxa. Psychanalyste à Paris, il a été président de l’Association lacanienne internationale et de la Fondation européenne pour la psychanalyse.

Son dernier livre explicite le malaise d’un psychanalyste honnête qui s’interroge sur la difficile articulation entre la position du psychanalyste et celle du citoyen. « En fait, de nombreux conflits parcourent aujourd’hui la société tout entière. Ces conflits se sont généralisés, tant au niveau politique qu’au niveau sociétal, et cette généralisation des conflits, qui a sans doute des causes nombreuses, accompagne le développement d’un individualisme qui envahit notre civilisation, et sépare chacun de ce que pourrait lui apporter la collectivité ».

La dimension du dialogue

C’est parce que l’analysant est confronté, à travers son analyste, à ce qui a représenté pour lui, dans son histoire, une altérité radicale, celle notamment du discours qui l’a déterminé, que Lacan après avoir décrit l’analyse comme intersubjectivité, a renoncé à cette approche.

C’est sans doute aussi pour cela que certains lacaniens en viennent à récuser le terme même de dialogue, comme si celui-ci rabattait l’analyse sur une dimension duelle.

Lacan a cependant pu dire, dans son « Intervention sur le transfert », que dans la cure, « la seule présence du psychanalyste apporte, avant toute intervention, la dimension du dialogue ».

C’est essentiellement parce que cela lui permet de dire que la psychanalyse est « irréductible à toute psychologie considérée comme une objectivation de certaines propriétés de l’individu ».

Je pense par ailleurs que le maintien, dans la psychanalyse, de la dimension d’altérité nécessaire à la cure ne devrait pas être pris comme une façon de s’assurer un pouvoir. C’est précisément – si on me permet ici une remarque plus personnelle – pour bien faire entendre que je ne fais pas la confusion entre la position d’autre dans la cure et la position d’autorité que je ne m’enferme plus, dans les livres que j’écris depuis quelques années, dans la forme rhétorique du pluriel qui, dans la langue « soutenue » (ou scolaire) remplace la première personne du singulier. L’usage de la première personne du pluriel est supposé introduire une dimension de modestie. Mais comment ne pas voir qu’elle évoque en même temps ce qu’on appelle, par ailleurs, le « pluriel de majesté » ?

Effectivement, il existe d’importantes tensions au niveau de nos sociétés dites démocratiques comme dans les sociétés psychanalytiques. Et s’il existe un « sens du dialogue », n’est-ce pas là qu’il devrait s’exprimer dans le respect de la position de l’autre, avec sérénité et non pas en jetant l’anathème ?

Un petit livre passionnant qui ouvre à des questions inattendues et va à l’encontre d’une certaine arrogance psychanalytique. Il s’adresse à tous ceux qui veulent réfléchir et pensent encore que l’inconscient existe !

Une lecture de Dominique BARBIER, psychanalyste

La psychanalyse comme dialogue, Roland Chemama, Éd. érès, 2021.