Le Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (Cermes3) ouvre un appel à communication pour son colloque interdisciplinaire et international francophone les 24 et 25 juin 2025
La médecine repose, notamment, sur « l’intrusion dans le corps d’autrui » et « l’agression du corps de l’autre » (Hardy, 2013 : 161, 184), sans que ces actions ne soient nécessairement considérées comme violentes. Le geste médical suppose, a minima, une logique de délégation de la maîtrise de son corps à des professionnels, même si cette délégation est le plus souvent circonscrite (à des parties du corps, pour des pratiques et sur un temps donnés) et que le modèle de la relation thérapeutique connaît des variations et des remises en cause selon les époques (Foucault, 1963 ; Goffman, 1968 ; Fassin, 1996 ; Jaunait, 2003). De sorte que, dans la plupart des situations, le caractère violent d’un comportement ou d’une action en santé ne réside pas a priori dans les gestes thérapeutiques. À cet égard, comment reconnaître les violences en contexte de soin, les qualifier et en analyser les mécanismes et les frontières (Castrillo, 2016 ; Lévesque et Ferron-Parayre, 2021), a fortiori quand les agents institutionnels anticipent et/ou se positionnent contre ce qualificatif (Moreau, 2011) ? L’identification des violences doit-elle par exemple être bornée à la perception qu’en ont les individus et à la transgression de leur volonté, au risque d’occulter la production du consentement par le mensonge (Fainzang, 2006), la menace, la domination ou le manque d’information ? Doit-elle inclure le déni de participation aux décisions de soin fait aux usagers et usagères des structures de santé ? La violence peut-elle être un concept opérant pour la recherche en sciences sociales, ou doit-elle n’être envisagée que sous l’angle des processus de qualification et des luttes de légitimation ou de dégradation symbolique dont les pratiques médicales font l’objet ? Les pratiques médicales étant entendues ici comme l’ensemble des pratiques déployées en contexte médical, y compris par des soignants non-médecins.
Loin de fournir une définition a priori du concept de violence médicale, ce colloque entend ouvrir un espace de discussion autour de l’utilisation scientifique du concept, appliqué à des terrains d’enquête en sciences sociales de la santé. Malgré les défis que pose le recours à cette catégorie dans les travaux de recherche, nous considérons que son utilisation représente une « ouverture épistémique » (Diniz et al., 2021) qui invite à sa discussion nuancée – et, pourquoi pas, contradictoire – par les chercheurs. Il s’agira ainsi de questionner, qualifier et conceptualiser la violence et ses définitions possibles dans les mondes de la santé et des soins, adossées aux autres concepts ou expressions qui l’entourent, en les mettant en perspective, au besoin, avec les usages de la notion dans l’étude d’autres sphères du monde social, la police par exemple. Ce colloque invite par ailleurs à saisir la spécificité des violences médicales, sans les réduire a priori à une violence de genre et en considérant l’interaction de la domination médicale avec les autres rapports de pouvoir (genre, classe, race, validisme, âge, sexualité, etc.).
Comité organisateur :
- Joséphine Eberhart (post-doctorante, Irisso)
- Raphaël Perrin (docteur, CESSP)
- Pierre Robicquet (docteur, Cermes3)
- Lucile Ruault (chargée de recherche CNRS, Cermes3)
Comité scientifique :
- Anne-Marie Arborio (maitresse de conférences, LEST, université Aix-Marseille)
- Fabrice Cahen (chargé de recherche INED)
- Catherine Cavalin (chargée de recherche CNRS, Cermes3)
- Fanny Chabrol (chargée de recherche IRD, Ceped)
- Dorothée Dussy (directrice de recherche CNRS, CNE)
- Nils Kessel (maître de conférences, Sage, université de Strasbourg)
- Delphine Moreau (professeure, Arènes, EHESP)
- Anne Paillet (professeure, CESSP, université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
- Myriam Paris (chargée de recherche CNRS, CURAPP-ESS)
- Chiara Quagliariello (post-doctorante, EHESS)
- Virginie Rozée (directrice de recherche Ined)
- Elsa Supiot (professeure détachée au CNRS, ISJPS – UMR8103)
L’appel à communication pour ce colloque est ouvert jusqu’au 31 janvier 2025.
Retrouvez ici le détail de l’appel et les propositions d’axes de travail.
Rens. : colloque.violences.med@proton.me