32e Journée de travail Tavistock organisée par le centre d’études Martha Harris – Association pour l’étude du développement et de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent (AEDPEA)
Dans le cadre de notre travail avec les enfants, les adolescents, les familles, l’intensité des sentiments qui peuvent être éveillés en nous peut nous surprendre.
À la crèche, un bébé pleure, inconsolable. Il refuse toute présence à ses côtés, repousse toute personne qui l’approche, refuse de manger, résiste à s’endormir. Les professionnels se sentent impuissants à apaiser la détresse qui le submerge… À l’école, un élève perturbe quotidiennement la classe. Sans motif apparent il se lève, coupe la parole à celui qui parle, interrompt le travail des autres. Il met à l’épreuve son enseignante de plus en plus désemparée face à son attitude… Dans une institution, un jeune patient imprévisible, susceptible de se mettre en danger à tout moment, génère une tension palpable au sein des membres de l’équipe; l’équipe est sur le qui-vive lorsque ce jeune est présent dans les murs…
Autant de situations qui génèrent chez les professionnels de l’enfance que nous sommes des sentiments fragilisants; sentiments de doute, d’impuissance, voire d’échec quant à nos compétences, souvent doublés de sentiments d’irritation ou de colère, d’épuisement, de découragement…
Ces bébés, ces enfants, ces jeunes projettent en nous des ressentis qui sont souvent encore à l’état primitif; c’est-à-dire que, au stade où ils en sont de leur développement émotionnel, ils ne sont pas en capacité de les élaborer par eux-mêmes pour les intégrer à leur moi en construction. Leur manière inconsciente de les communiquer est de les
projeter dans autrui.
Confrontés à ces registres primitifs de communication, comment rester suffisamment attentif et disponible émotionnellement pour accueillir, penser ce que l’enfant, à sa manière, nous donne à voir ou à ressentir?
Bion (1962) met en lumière l’expérience émotionnelle fondamentale dont tout bébé, tout enfant, a besoin pour se développer psychiquement; celle de se sentir contenu et compris dans ses sentiments. Il souligne à quel point l’enfant, dans ses moments de détresse, a besoin de l’intervention d’une personnalité plus mûre, celle d’un adulte en capacité d’accueillir et tolérer ses sentiments difficiles, leur donner forme et sens et les rendre plus «digestes» et supportables.
Dans notre travail, il est important d’avoir conscience que ces ressentis primitifs peuvent être réveillés, non seulement en chacun de nos jeunes patients mais également en nous-mêmes, sous une forme ou une autre et parfois de manière très inattendue, lorsque nous sommes au contact d’un enfant, d’une famille, de parents que nous rencontrons. La possibilité s’ouvre alors à nous de travailler avec ces mouvements émotionnels internes et de préserver ainsi notre capacité à penser ce qu’il se passe pour l’enfant, plutôt que de nous défendre de l’expérience pénible à laquelle il nous soumet. Nos émotions, nos sentiments deviennent dès lors des indicateurs de ce qu’il se passe et une ressource précieuse dans le travail.
Pendant ces deux jours, notre réflexion prendra appui sur des expériences d’observation et de travail. La Conférence de Marie MOQUILLON le samedi et le Temps des Intervenants et des Participants le dimanche viendront étayer et enrichir notre réflexion sur ces différentes situations de formation et de travail.
Rens. : tél. : 02 97 65 49 40, centre.marthaharris@orange.fr, www.centremarthaharris.org