Droits des patients en psychiatrie et Covid-19

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Le Groupe ressource PSY/COVID-19 de la Conférence nationale des présidents de CME/CHS précise dans ce communiqué comment concilier le respect des droits et libertés individuelles des patients avec les impératifs de santé publique relatifs notamment aux règles de confinement. Il souligne qu’aucune mesure de contrainte n'est autorisée au-delà des textes législatifs existants et qu'il faut distinguer le confinement mis en oeuvre pour limiter le risque de propagation de l’infection, comme en MCO, et l’isolement utilisé en psychiatrie dans la prise en charge de la maladie mentale.

Dans le contexte de la situation épidémique du COVID 19, le confinement de la population a été décrété en France le 16 mars 2020. Comme l'ensemble du monde hospitalier, la psychiatrie publique s'est engagée en un bref délai dans une profonde réorganisation de ses dispositifs de soin et de prévention.

Dans le souci constant de la sécurité sanitaire des patients et des professionnels, il s'agit en la circonstance de concilier le respect des droits et libertés individuelles avec les impératifs de santé publique relatifs notamment aux règles de confinement. Cette exigence se fait sur la base des textes législatifs et réglementaires du ministère de la santé, notamment des recommandations de la DGOS, et de la Haute Autorité de Santé.

Les spécificités de la pathologie psychiatrique doivent être prises en compte. Elles rendent particulièrement difficiles les modalités du confinement et sont susceptibles d’être à l’origine de décompensations graves. Pendant la période de confinement tout doit être fait pour informer les patients de façon prudente et adaptée sur leur pathologie en prenant en compte leurs craintes vis-à-vis de l’épidémie en cours.

1/ Pour ce qui concerne les patients en suivi ambulatoire :
Les décrets des 16 et 23 mars 2020, dits de confinement, qui encadrent strictement la liberté d’aller-et-venir et interdisent toute sortie dans l'espace public et les lieux collectifs confrontent les patients à des exigences qu'ils ne peuvent parfois ni comprendre ni accepter en raison de leur pathologie.

Dans le cadre des principes de continuité des soins et de non abandon des personnes, les professionnels des secteurs de psychiatrie veillent, à partir de leur file active, à ce que les patients connus et confinés à leur domicile, notamment en situation de vulnérabilité et d'isolement, puissent disposer des soins et des justificatifs de déplacement nécessaires.

Le respect des principes de la psychiatrie de secteur, notamment de continuité relationnelle et de respect de l'intime, conduit à privilégier les prises en charge individuelles en CMP. Le développement des pratiques de téléconsultation, qui ne peuvent se substituer que temporairement au travail psychothérapeutique en présentiel, ne se conçoit que dans le strict respect des règles de confidentialité et de sécurité des données. Dans ce cas, une vigilance toute particulière doit être portée sur la garantie et le respect du secret professionnel (cf Proposition de la Conférence des présidents CME/CHS Télémédecine-E-santé du 30 septembre 2015).

Il importe de souligner qu’aucune mesure de contrainte n'est autorisée au-delà des textes législatifs existants (voir notre article "Peut-on contraindre un patient non respectueux des règles de confinement ?")

Il convient de prévenir les conséquences intrafamiliales du confinement du patient à domicile pouvant être à l’origine de violences du fait d’une trop grande proximité et d’une trop longue durée sans échéance. En prenant en compte ces éléments chez le patient connu par l’équipe, comme pour les membres de sa famille, il convient d’aborder le risque d’irritabilité ou d’impulsivité tout à la fois avec le patient qu’avec ses proches en respectant l’intimité des uns et des autres.

2/ Pour ce qui concerne les patients en hospitalisation :
Les équipes de soins doivent s’assurer que toute restriction de liberté soit adaptée à chaque patient, proportionnée et limitée dans le temps. Toute décision d'ordre général limitant pour l’ensemble de l’hôpital la liberté des patients ne peut être qu'institutionnelle partagée et prise en cellule de crise de l’établissement, associant président de CME et directeur de l'établissement.
Quelles que soient les modalités d'hospitalisation et le type d'unité de soin concernée dite COVID-Psy ou non COVID, tout patient bénéficie d'un temps d'explication des gestes barrières et des règles de distanciation sociale dans le but d'assurer la sécurité sanitaire de l'unité.
Aucune mesure de confinement contraint, notamment à visée préventive, ne peut être exercée vis-à-vis d'un patient et quelque soit son mode d'hospitalisation. En cas de non-respect des règles de sécurité sanitaire et alors que le patient ne présente pas de pathologie mentale du ressort de soins sans consentement sa sortie peut être prononcée par le Directeur sur proposition du psychiatre de l’unité et du chef de pôle. Au préalable, des avertissements réitérés lui ont été adressés et sont tracés dans le dossier.Il est nécessaire de préciser que ce cas de figure oblige à une évaluation très approfondie de l’état clinique du patient et de sa situation sociale. C’est ainsi qu’une très grande attention doit être portée au rapport bénéfice risques de cette situation. La sortie du patient n’exonère pas l’établissement de l’exigence de continuité des soins.
L’établissement doit alors proposer une alternative en soins ambulatoires. En accord avec le patient le médecin traitant en est informé, ainsi que ses proches.

Les conditions de séjour sont temporairement modifiées au regard des contraintes de sécurité sanitaire et toujours individualisées en rapport avec les modalités d'hospitalisation et l’état clinique du patient médicalement constaté. C'est pourquoi le maintien des liens avec les familles et les proches doit être facilité par la possibilité pour les patients, en dehors de contreindications médicales précises, d’accéder à un réseau WIFI, éventuellement par un ordinateur
ou une tablette mis à disposition. Ainsi :
– L'utilisation du téléphone portable est inchangée ;
– Les visites ne sont pas autorisées sauf exceptions médicalement justifiées et tracées dans le dossier ;
– La suspension des permissions est expliquée au patient. Le désaccord peut motiver la sortie d'hospitalisation du patient en soins libre ;
– La circulation à l'extérieur de l'unité de soin dans le périmètre de l'établissement est favorisée, en respectant les mesures barrières avec accompagnement infirmier (et protection individuelle pour unité COVID) ;
– Les repas peuvent être pris individuellement en cas de confinement de l'unité.

La présence d’un diagnostic psychiatrique ne peut être à lui seul un critère de refus de réanimation ou de soins intensifs, de même que le handicap, l’âge ou la situation sociale.
Les transferts nécessaires de patient en service MCO pour pathologie somatique sont anticipés et organisés au préalable entre l'établissement psychiatrique et l'établissement MCO, notamment en cas de facteurs de risque de décompensation respiratoire. Dans le cas d'un patient présentant une comorbidité COVID 19 et une pathologie psychiatrique et/ou facteurs de risques associées (handicap, âge, situation sociale etc..) l'orientation en service de réanimation ou de soins intensifs est mise en oeuvre sur la base d'une collaboration étroite entre les équipes médicales concernées.
Les recours en cas de non-respect des droits sont maintenus dans leur intégralité. Les sorties d'hospitalisation en période COVID ne diffèrent en rien de la période antérieure et respectent là encore les principes de continuité des soins et de non abandon.

3/ Pour ce qui concerne plus particulièrement les soins sans consentement :
En cas de suspension des audiences du JLD, la présentation du patient auprès du JLD doit être assurée par tous les moyens appropriés : visioconférence, utilisation du téléphone en visio ou audio… Le contact avec l’avocat est facilité. Le patient a la possibilité de s'entretenir avec son avocat de manière confidentielle avant la décision du JLD. L'Établissement en fournit les moyens.

Il est important de distinguer le confinement mis en oeuvre pour limiter le risque de propagation de l’infection comme en MCO et l’isolement utilisé en psychiatrie dans la prise en charge de la maladie mentale. L’isolement pour raison infectieuse ne doit pas pallier aux difficultés du confinement et dans ce cas le formulaire d’isolement propre à la psychiatrie n’a pas lieu d’être employé. L'espace dédié à l'isolement n'est pas approprié pour un confinement.
Une vigilance particulière est apportée au recours aux soins sans consentement, en particulier en SPI. La sollicitation d'un tiers par un contact actif et éventuellement répété de la famille est favorisée. Comme habituellement, le recours à l’Isolement et à la contention sont limités par l’attention particulière qui est portée à la recherche de toute mesure alternative pertinente.
Cette période de réorganisation majeure ne doit pas faire passer au second plan la nécessité de la réduction déterminée des pratiques de contention et d’isolement en psychiatrie publique.

La très grande attention portée au patient durant cette période critique doit favoriser plus encore la recherche et l’obtention de son consentement, et limiter ainsi le recours encore trop fréquent aux soins sans consentement.

Groupe ressource PSY/COVID-19 Conférence nationale des présidents de CME/CHS, communiqué du 17 avril 2020