Offre de « troisième recours en psychiatrie » : contestation des professionnels

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Dans un communiqué commun des associations de soignants, syndicats et représentants d’usagers dénoncent la proposition de loi (PPL) visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie, qui valorise une offre de soins ultraspécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies. Communiqué.

« Sous couvert de modernisation et d’efficacité, la proposition de loi (PPL) visant à reconnaître le rôle des acteurs
assurant des soins de troisième recours en psychiatrie,
entérine une transformation profonde et inquiétante de la psychiatrie en proposant une architecture en trois niveaux de soins et ce en l’absence de tout débat public et d’évaluation indépendante (voir encadré). La mobilisation inédite et massive des professionnels et la pétition ayant réunie plus de 23 000 signataires ont abouti à une réécriture du texte proposé au Sénat mais pas à son retrait (1). Même si la nouvelle version ne cite plus explicitement la fondation privée FondaMental, la rédaction de la proposition de loi lui laisse néanmoins le champ libre.

Cette PPL ne répond nullement aux défis auxquels est confrontée la psychiatrie publique :

  • Comment répondre à l’urgence ?
  • Comment garantir un parcours de soins ?
  • Comment améliorer la trajectoire de soins des patients

La reconnaissance des dispositifs renommés dans la proposition de loi « les centres et les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques » (en réalité les centres experts) repose sur une illusion : celle qu’un diagnostic objectivé, rapide et standardisé pourrait faire office de soin.
Ce modèle prépare une psychiatrie de surplomb, gouvernée par des protocoles et des recommandations transformées en injonctions, où le clinicien est remplacé par un pseudo expert, évaluateur plutôt que soignant et ce alors que l’expertise des cliniciens de terrain est essentielle pour aboutir à un diagnostic d’excellence, évolutif et garantissant la continuité des soins.
Dans le contexte actuel l’individualisation et la valorisation d’un « troisième recours » déconnecté se ferait nécessairement au détriment des premier et deuxième recours. Cette PPL ne garantit aucunement la coordination minimale nécessaire entre les soignants du « troisième recours » et les soignants des deux autres, et conduirait à une psychiatrie hors sol. En consacrant l’expertise au détriment du soin elle affaiblit la psychiatrie de terrain et trahit les patients.
Pour quelle discipline médicale le législateur se permettrait-il de légiférer contre l’avis des acteurs et des praticiens ? En l’absence de tout travail d’élaboration associant l’ensemble des acteurs concernés, il n’appartient pas au législateur de définir par décret la gradation et le niveau de soins. Nous demandons instamment le rejet de cette proposition de loi ».

L'offre de troisième recours en psychiatrie 

"Dans le parcours de soins des patients, les centres experts en santé mentale interviennent en complément des acteurs de premier niveau (médecins généralistes, psychologues, infirmiers…) et des acteurs de deuxième niveau (centres médico-psychologiques, centres hospitaliers, psychiatres libéraux), constituant une offre de soins dits de troisième recours, prodigués par des acteurs ultraspécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies.

Cette offre de soins est assurée par une diversité d’acteurs : outre le réseau des centres experts en santé mentale, les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires et de plus en plus de réseaux spécialisés (centres de référence maladies rares, centres régionaux du psycho-traumatisme, centres de ressources sur l’autisme, structures d’accueil spécialisées dansles troubles du comportement alimentaire…) assurent la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques spécifiques et mènent, le cas échéant, une activité de recherche sur ces troubles.
"

(1) Cette proposition de loi sénatoriale visant à intégrer les centres experts FondaMental dans le Code de la santé publique avait dans sa première version provoqué une levée de boucliers chez les acteurs de la psychiatrie publique.

Signataires

Gabrielle ALLIO, Présidente du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)
Marie-José CORTES, Présidente du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)
Manuella DE LUCA, Présidente de l’Evolution Psychiatrique
Bruno FALISSARD, Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA)
Claude FINKELSTEIN, Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)
Michel JURUS, Président Fédération Française de Psychiatrie (FFP)
Jean-Paul LANQUETIN, Président d’honneur de l’Association pour le Développement de la Recherche en soins en Psychiatrie (ADRPsy)
Christophe LIBERT, Président de l’Association des Psychiatres Infanto-juvéniles de secteur sanitaire et médico-social (API)
François PACAUD, Président de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)
Annick PERRIN-NIQUET, Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)
Marie-Noëlle PETIT Présidente de l’Association Nationale des Psychiatres Présidents et Vice-Présidents de Commissions Médicales d’Etablissements des Centres Hospitaliers (ANPCME)
Charles-Olivier PONS, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)
Christophe SCHMITT, Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
Isabelle SEFF, Responsable du collectif des psychologues UFMICT-CGT et membre du BF
Norbert SKURNIK, Président par intérim de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)
Olivier TELLIER, Président de l’Association Française des Unités pour Malades Difficiles (UMD)

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