Selon la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, « les droits des mineurs hospitalisés en psychiatrie ne sont pas respectés ». Dans un avis publié au Journal officiel, elle dénonce le recours « massif » à l’isolement et à la contention hors de tout cadre juridique, réclame la création urgente d’un statut spécifique pour ces mineurs et un « plan national de réhabilitation de la pédopsychiatrie ».
Dans le cadre de ses visites d’établissements de santé mentale et des nombreux signalements qu’elle reçoit, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) constatent que les enfants et adolescents, pour la plupart hospitalisés « en soins libres », sont fréquemment pris en charge selon des modalités qui entraînent de nombreuses atteintes à leurs droits fondamentaux. Bien qu’ils n’aient pas donné leur consentement aux soins, puisqu’ils sont majoritairement hospitalisés à la demande des titulaires de l’autorité parentale ou en application d’une décision de justice, ces enfants sont privés des garanties inhérentes au statut du patient soigné sans son consentement, notamment du contrôle juridictionnel de la mesure qui les touche. Cinq ans après un rapport sur ces problématiques, la nécessité de renforcer la protection de ces enfants et adolescents, particulièrement vulnérables, reste d’actualité. Cet avis publié au Journal officiel le 4 décembre présente un état des lieux et plaide pour la création urgente d’un statut légal du mineur hospitalisé en psychiatrie, accompagnée d’un « plan national de réhabilitation de la pédopsychiatrie ».
Un cadre protecteur
L’avis rappelle tout d’abord le cadre juridique actuel et les différentes situations qui peuvent conduire un enfant ou un adolescent à être hospitalisé en psychiatrie : à la demande de ses parents ou du dépositaire de l’autorité familiale, sur décision d’un juge pour enfants. Dans tous les cas, plusieurs textes, et notamment la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide) et le code de la Santé publique, prévoient différentes dispositions pour le respect de droits spécifiques liés à son âge. « Le strict respect des normes ainsi définies devrait garantir aux enfants hospitalisés en psychiatrie une prise en charge respectueuse de leurs droits fondamentaux et, s’agissant des patients en soins libres, limiter les atteintes à leur liberté d’aller et venir. »
« Malgré cet arsenal juridique protecteur, les droits des mineurs hospitalisés en psychiatrie ne sont pas respectés » dénonce le CGLPL, en lien avec l’état de dégradation de la pédopsychiatrie mais aussi une approche inadaptée de certains professionnels. Tout d’abord, faute de places, on observe une « incapacité généralisée (…) à prévenir les crises » ce qui conduit à un grand nombre d’hospitalisations dans l’urgence. Faute d’offre suffisante, les enfants peuvent être, suivant les situations locales, hospitalisés en pédiatrie, admis en psychiatrie dans des unités pour adultes ou dans des unités adaptées mais très éloignées de leur domicile. Il n’est pas rare qu’ils soient pris en charge par des équipes insuffisamment formées, surchargées ou désemparées.
« Mal orientés et mal pris en charge, ils se voient de surcroît imposer nombre de restrictions à leurs droits qui ne sont nullement justifiées par leur état clinique et peuvent résulter du fonctionnement même des unités concernées, du manque de moyens à la disposition des soignants, parfois du cumul de ces deux facteurs. » L’avis rapporte des restrictions à la liberté d’aller et venir, le port imposé du pyjama, l’abandon « très fréquent » de la scolarité…
Recours massif à l’isolement
Dans ce contexte, la CGLPL dénonce un recours à l’isolement et à la contention « massif » et qui « échappe généralement à tout contrôle, alors que les enfants qui peuvent légalement y être soumis sont très minoritaires. » Cet enfermement arbitraire « expose en outre les mineurs à des risques d’atteinte à leur intégrité physique et psychique, particulièrement quand il est mis en oeuvre dans des chambres d’isolement dépourvues de bouton d’appel. » De surcroît, le CGLPL constate régulièrement que « les titulaires de l’autorité parentale ne sont pas informés des mesures ainsi mises en oeuvre à l’encontre de leurs enfants ». La méconnaissance des normes conduit certains professionnels à des dérives graves. Concernant l’isolement, l’avis mentionne le recours à des artifices de langage tels que l’utilisation du terme « prescription » pour désigner une mesure que la loi qualifie expressément de « décision » ou la désignation des chambres d’isolement sous le terme de « chambre de soins intensifs », qui permettent aux professionnels de se voiler la face et trompent les patients en faisant passer la contrainte pour un soin.
Comment remédier à dérives ? « Qu’elles résultent des difficultés structurelles et objectives affectant le fonctionnement des services hospitaliers ou de la méconnaissance des normes et principes applicables, la gravité des atteintes auxquelles sont exposés les enfants ayant besoin de soins en santé mentale doit cesser sans délai », pointent la CGLPL, qui demande aux pouvoirs publics d’instaurer enfin un statut légal du mineur hospitalisé en psychiatrie. Au-delà, cette réforme doit donner aux établissements qui les accueillent « les moyens d’offrir […] une prise en charge adaptée aux besoins médicaux et éducatifs » de ces jeunes patients.
À défaut, « les manquements actuellement observés qui sont directement liés au déficit de moyens matériels et humains dont pâtissent nombre d’établissements, persisteront inévitablement, sans parler de ceux qui résultent de l’approche inadaptée de certains professionnels ».
« Il est urgent de garantir les droits de tous les enfants hospitalisés en psychiatrie, par la création d’un statut spécifique, accompagné d’un plan pour assurer la qualité des soins de pédopsychiatrie », conclut la CGLPL.
• Avis du 6 octobre relatif aux enfants privés de liberté dans les établissements de santé mentale, CGLPL, Journal officle du 4 décembre, voir Legifrance. Voir aussi le site du CGLPL Photo : © Karine Bizard / CGLPL









