Les Français face au deuil

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Six personnes sur dix rapportent souffrir d’épisodes dépressifs, et une sur cinq confie avoir eu des pensées suicidaires après un deuil. L’objectif de ce quatrième baromètre sur le vécu du deuil est d’alerter sur les difficultés rencontrées par les personnes endeuillées et de mieux comprendre ce qui rend certains deuils particulièrement difficiles, parfois durables, voire pathologiques.

Des représentations centrées sur l’émotion
Le deuil est d’abord associé à des dimensions émotionnelles : tristesse, perte du défunt… Très rarement, il est envisagé comme un processus. Cette perception reste centrée sur le choc de la disparition, moins sur l’évolution dans le temps.

Un phénomène universel, aux facteurs aggravants identifiés
Le deuil touche la quasi-totalité de la population. 89 % des Français déclarent avoir déjà vécu un décès qui les a profondément affectés. Ces décès concernent le plus souvent un membre de la famille ou une personne accompagnée au quotidien. Ils surviennent plus fréquemment à domicile, concernent des personnes de moins de 70 ans, et dans un contexte de maladie grave comme le cancer.

Des deuils qui durent… parfois à vie
Le temps n’efface pas toujours la douleur. 37 % des personnes ayant perdu un proche il y a cinq ans ou plus se disent toujours en deuil. Et parmi celles qui n’ont pas « terminé » leur deuil, 34 % pensent qu’il ne prendra jamais fin.

Vers un trouble du deuil prolongé (Voir encadré et notre article ) ?
11 % des personnes endeuillées présentent des signes pouvant indiquer un trouble du deuil prolongé : un an ou plus après la perte, elles déclarent un impact négatif persistant sur au moins un domaine important de leur vie. Plus de 85 % ressentent un manque profond, un désir de proximité avec la personne disparue ou une douleur émotionnelle intense (culpabilité, colère). Trois sur quatre évitent tout ce qui rappelle le ou la disparu. 85 % ressentent de la solitude, et près des trois quarts se sentent coupées des autres, confuses quant à leur rôle dans la vie, ou peinent à accomplir les tâches du quotidien.

Le deuil compliqué en cas de dispersion des cendres
Certains gestes post-mortem peuvent être source de souffrance : 28 % des personnes ayant vécu une dispersion des cendres après crémation estiment que cela a nui à l’entretien du souvenir du défunt. 24 % estiment même que cela a freiné leur cheminement de deuil.

Des impacts lourds sur la santé et les comportements
Les conséquences du deuil s’expriment aussi sur le plan physique et psychologique :

  • 10 % des endeuillés déclarent avoir contracté une maladie ou vu une pathologie s’aggraver, avec un diagnostic médical dans 84 % des cas.
  • 40 % déclarent avoir augmenté leur consommation d’alcool ou de tabac,
  • 47 % celle de médicaments, et 57 % celle de nourriture.
  • Six personnes sur dix rapportent souffrir d’épisodes dépressifs, et une sur cinq confie avoir eu des pensées suicidaires.
  • La moitié évoque un sentiment d’isolement profond.
  • 13 % ont déménagé après un décès, principalement pour ne plus vivre dans les lieux associés au défunt.

La sphère professionnelle n’est pas épargnée
Problèmes de concentration, sentiment de ralentissement, épuisement : les conséquences du deuil s’invitent aussi dans la vie professionnelle. 12 % des personnes endeuillées ont même quitté leur emploi à la suite d’un décès

Selon l’APA, le trouble du deuil prolongé – Prolonged grief disorder (PDG) – peut se produire « lorsqu’un proche de la personne endeuillée est décédé dans un délai d’au moins 6 mois pour les enfants et les adolescents, ou dans un délai d’au moins 12 mois pour les adultes. Dans le trouble du deuil prolongé, la personne endeuillée peut éprouver des désirs intenses pour le défunt ou être préoccupée par les pensées du défunt, ou chez les enfants et les adolescents, par les circonstances entourant le décès. Ces réactions de deuil surviennent presque toute la journée, presque tous les jours pendant au moins un mois. L’individu éprouve une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou d’autres domaines importants" . La présidente de l’APA, Vivian B. Pender, MD, souligne que « les circonstances dans lesquelles nous vivons, avec plus de 675 000 décès dus au COVID, peuvent rendre le trouble du deuil prolongé plus répandu. Si vous avez récemment perdu un proche, c’est très important de le vérifier. Le chagrin dans ces circonstances est normal, mais pas à certains niveaux et pas la majeure partie de la journée, presque tous les jours pendant des mois" .

Certains des symptômes du trouble de deuil prolongé sont :
– Perturbation de l’identité (par exemple, avoir l’impression qu’une partie de soi est morte).
– Incrédulité marquée face à la mort.
– Éviter les rappels que la personne est décédée.
– Douleur émotionnelle intense (par exemple, colère, amertume, chagrin) liée au décès.
– Difficulté de réintégration (p. ex., problèmes à s’engager avec des amis, à poursuivre des intérêts, à planifier l’avenir). Engourdissement émotionnel.
– Sentir que la vie n’a pas de sens.
– Solitude intense (c’est-à-dire se sentir seul ou détaché des autres).

Les français face au deuil – Quatrième édition du baromètre sur le vécu du deuil – Etude commandée par l’association, Empreintes avec le soutien du Syndicat de l’Art Funéraire (SAF, ex- CSNAF), octobre 2025. Crédit photo : Crédoc