TikTok : « un des pire réseaux sociaux à l’assaut de notre jeunesse »

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Le rapport de la commission d’enquête sur « les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs » rédigé par la députée Laure Miller (Ensemble pour la République) formule 43 préconisations et notamment celles d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et d’instaurer un « couvre-feu numérique » pour les 15-18 ans …

Dès le titre du rapport rendu public ce jeudi 11 septembre, après avoir été adopté à l’unanimité des députés de la commission la semaine dernière, le constat posé par la rapporteure de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs Laure Miller est clair : « quand le divertissement vire au cauchemar. » 

Selon la députée, à l’issue de six mois de travaux, le rapport a « deux vocations » : d’abord, « une sensibilisation massive pour que chacun comprenne l’enjeu immense de la protection de nos jeunes en ligne » ; puis, celle de « transformer le plus rapidement possible les préconisations en actes politiques« . Sur 273 pages, l’élue de la Marne dénonce « le pire des réseaux sociaux à l’assaut de notre jeunesse » et « des contenus majoritairement néfastes » – suicide, automutilation, désinformation médicale, violences… -, qui « pour la plupart mettent en danger les utilisateurs« . Surtout que les mineurs « ne sont pas des utilisateurs comme les autres », mais « des publics particulièrement vulnérables, devant faire l’objet d’une attention spécifique et d’une protection renforcée« , souligne la députée, pour qui « un lien de corrélation clair apparaît entre la dégradation de la santé mentale des jeunes et une utilisation intensive des réseaux sociaux, avec un biais de genre important au détriment des jeunes filles« .

Laure Miller déplore « le manque d’étude à grande échelle » sur les conséquences psychologiques de l’utilisation de TikTok chez les jeunes, malgré « des effets dévastateurs, difficiles à mesurer, mais bien identifiés« 

La rapporteure pointe du doigt la responsabilité des plateformes qui « ont connaissance des risques inhérents à l’utilisation des réseaux sociaux« , mais n’en informent pas le public. Revenant sur l’audition en juin dernier des responsables de TikTok, Laure Miller estime qu’elles ont « été éclairantes quant au déni entretenu par la plateforme sur l’ensemble des éléments problématiques mis en avant dans le rapport« . Quant aux auditions de certains influenceurs particulièrement controversés, qui ont eu lieu avant la pause estivale, elles « n’ont pas apporté grand-chose sur le fond, si ce n’est la confirmation du cynisme et de la dangerosité de certains face au laisser-aller des plateformes« .

Interdire l’accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans

Pour sortir du « piège TikTok« , Laure Miller formule 43 recommandations. Elle exclut d’entrée le blocage pur et simple de la plateforme, qui serait non seulement « inefficace« , n’empêchant pas l’arrivée d’une application qui en singerait les codes, mais aussi « fragile du point de vue juridique« . Laure Miller préconise, en revanche, d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans – exceptées les simples messageries -, en portant le chantier de cette interdiction à l’échelle de l’Union européenne et, si nécessaire, en agissant au niveau national.

Laure Miller prône une utilisation « raisonnée » pour les jeunes 15 à 18 ans, qui passerait par un « couvre-feu numérique » de 22h à 8h, excluant l’utilisation nocturne des réseaux sociaux ; et une interdiction pure et simple pour l’ensemble des mineurs à horizon 2028, « si les réseaux sociaux ne respectent pas de façon satisfaisante leurs obligations juridiques et/ou s’avèrent représenter pour les mineurs des risques importants et persistants« .

En parallèle, et après des auditions de familles de victimes particulièrement marquantes, Laure Miller juge indispensable « d’élargir le champ des obligations pesant sur les plateformes en matière de lutte contre les contenus glorifiant le suicide », qui ne sont pas toujours traités avec suffisamment d’importance par les plateformes.

Interdire les portables dans les lycées

Décrivant les effets nocifs des téléphones portables dans les écoles, aussi bien sur les facultés cognitives que sur la socialisation, Laure Miller estime aussi nécessaire de pérenniser le dispositif « portable en pause » dans les collèges et les écoles élémentaires. Mais aussi d’interdire l’usage du portable dans tous les lycées – à l’heure actuelle, cette disposition dépend du règlement intérieur de l’établissement. Plus largement, elle invite à repenser « l’apport pédagogique et éducatif réel » de l’utilisation des outils numériques en matière scolaire, appelant à « réduire l’usage du numérique au strict nécessaire« . 

Afin de limiter le « pouvoir immense » pris par les algorithmes, la rapporteure propose également de porter, là encore au niveau européen, des négociations pour imposer aux plateformes une diversification des contenus et réintroduire une part d’aléatoire, voire de permettre aux utilisateurs de personnaliser leur expérience.

Concernant l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale et l’exposition répétée à des contenus négatifs, Laure Miller préconise de renforcer les campagnes d’information et de contraindre les plateformes à communiquer sur ce point dans le cadre de campagnes publicitaires. En parallèle, elle propose de mieux sensibiliser les jeunes générations, dès la classe de CP, et de renforcer l’éducation numérique des enfants comme des parents – allant jusqu’à insister sur l’existence de portables sans accès à internet, plus adaptés, selon elle, aux mineurs.

L’élue souligne les effets nocifs de l’exposition aux écrans sur le cerveau des jeunes enfants et va jusqu’à soumettre à la réflexion l’idée d’un « délit de négligence numérique » dans un horizon de trois ans, en tablant d’ici là sur une « campagne d’information massive » destinée à combler les lacunes des parents.

Renforcer les professionnels de santé en milieu scolaire

En parallèle, pointant le « manque de moyens affectés à la prise en charge des troubles psychiatriques des enfants et adolescents« , le rapport recommande d’augmenter les effectifs de professionnels de santé et des intervenants en milieu scolaire, ainsi que de renforcer la formation des professionnels de l’enfance sur les usages numériques des mineurs.

TikTok « en désaccord avec ces conclusions »

« Nous sommes en désaccord avec les conclusions », répond le porte-parole de la plateforme à franceinfo, jeudi 11 septembre. « Ces conclusions de la commission pointent à tort TikTok sur des enjeux qui concernent l’ensemble du secteur. Nous avons pris des mesures de premier plan pour garantir que les comptes d’adolescents disposent par défaut de solides protections, avec plus de 50 fonctionnalités et paramètres spécifiquement conçus pour eux, afin de protéger notre communauté et notamment les plus jeunes« , indique-t-il.

À l’issue de cette commission d’enquête, le verdict est sans appel : « cette plateforme expose en toute connaissance de cause nos enfants, nos jeunes, à des contenus toxiques, dangereux, addictifs.« 

Commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, Assemblée nationale, Clôturée le jeudi 4 septembre 2025. Dossier législatif.

Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs – Tome 1 ; 4 septembre 2025 , Assemblée nationale.
Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs – Tome 2 ; compte-rendu des auditions ; 4 septembre 2025 , Assemblée nationale.