Dans les soins psychiques, l’impact des rythmes contraints sur l’idéal de travail est immense car, par nature, le soin est relationnel et nécessite donc du temps. Comment ne pas s’épuiser et préserver le cœur du métier ?
Avant d’évoquer des effets du temps « compté » sur notre idéal de soin, je ferai un détour par un temps « conté » de manière plus légère et métaphorique… Le conte russe, Les Douze Mois, nous permettra d’échapper quelques minutes à notre sujet et à cette dimension comptable du soin qui nous met tant en difficulté dans nos métiers. Il évoque un thème bien connu, celui d’une enfant, Marouchka, qui vit avec sa méchante belle-mère et sa demi-sœur qui la maltraitent à longueur de temps…
Il était une fois…
« Sais-tu combien il y a de mois dans l’année ? Il y en a douze. Quand un mois s’achève, l’autre commence aussitôt. Jamais encore on n’a vu février venir avant que janvier ne s’éloigne, ni mai devancer avril. Les mois se suivent et ne se rencontrent jamais. Les gens disent pourtant qu’un jour, dans les montagnes de Bohême, une petite fille aurait les douze mois réunis. Comment cela a-t-il pu arriver ? Eh bien voilà : une femme avare et méchante vivait dans un hameau avec sa fille et sa belle-fille. Elle aimait sa fille, mais sa belle-fille ne lui plaisait en rien. Tout ce que faisait la petite était mal fait. Qu’elle se tournât à droite ou à gauche, ce n’était pas du bon côté. »
Je ne détaillerai pas les mauvais traitements que subit Marouchka quotidiennement pour en venir au jour où sa belle- mère lui commande l’impossible : ramener de la forêt des perce-neige au cœur de l’hiver, en plein mois de janvier. Après des heures de recherche vaine et folle dans la forêt enneigée et dans le froid, la petite fille s’assoit, prête à se laisser mourir tant la tâche est impossible. Mais elle aperçoit un feu au loin. Elle s’approche et découvre douze hommes d’âges différents installés autour : ce sont les douze mois de l’année. Touchés par le sort réservé à l’enfant qui semble se sentir tellement coupable de ne pas arriver à faire une chose inatteignable, ils vont réaliser un petit miracle : janvier cède sa place à février, qui à son tour laisse la sienne à mars, qui fait fondre une clairière et pousser des dizaines de perce-neige. Alors que Marouchka, de retour chez elle, raconte son aventure et comment ce petit miracle a pu se réaliser, la fille et la belle-mère l’accablent de plus belle : pourquoi diable cette sotte n’en a-t-elle pas profité pour en demander encore plus, des fraises, des pommes, aux mois d’été, des noisettes à octobre !
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