Ratio de soignants par patient hospitalisé : la loi est publiée !

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La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale avait adopté mercredi 4 décembre, quelques heures avant la censure du gouvernement, la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé au sein des établissements assurant le service public hospitalier.

Mise à jour du vendredi 31 janvier 2025 - Une semaine après son adoption par le Parlement, la loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé a été publiée ce 30 janvier au Journal officiel. Le texte généralise dans tous les services des ratios minima d'infirmiers et d'aides-soignants à compter du 1er janvier 2027 dans les établissements concourant au service public hospitalier.
Actualisation : Jeudi 23 janvier, le Parlement a adopté définitivement cette proposition de loi qui instaure un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé à une très large majorité : 138 votes pour, trois contre. Reste à définir ce ratio par spécialité et par activité de soins, ce qui sera du ressort de la Haute Autorité de santé (HAS) (à part pour quelques spécialités où il existe déjà). L’entrée en application est prévue au 1er janvier 2027, soit le temps de former de former des soignants en nombre suffisant, notamment 60 000 infirmières. Si le principe de cette loi est salué par un grand nombre d'acteurs (voir par exemple la réaction de Thierry Amouroux pour le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), son application posera des difficultés. De son côté, l'Association française des directeurs des soins (AFDS) et l'Association nationale des cadres de santé (Ancim) avaient alerté sur l'aspect contre-productif de cette loi dans un contexte de raréfaction des soignants. 

Exposé des motifs

Cette proposition de loi entend établir, en l’inscrivant dans le code de la santé publique, une disposition permettant aux établissements publics de santé, dans leur organisation interne, de garantir un nombre minimum de personnels soignants dans les services pour assurer une prise en charge de qualité et de bonnes conditions de travail.

La crise que connaît l’hôpital public n’est plus à démontrer. Parmi les mesures urgentes à adopter il est primordial d’offrir un cadre de travail décent et bientraitant aux professionnels de santé et de permettre une prise en charge des patients conforme aux exigences de qualité et de sécurité des soins.

Une des préoccupations principales des soignants correspond au manque de temps et de moyens humains concourant à la dégradation de la qualité de vie au travail et de la qualité des soins. Dès lors, il devient indispensable d’agir sur ce facteur temps afin de redonner du sens aux métiers du soin.

Aujourd’hui, selon plusieurs organisations, c’est près de 10 % des emplois d’infirmières qui sont non pourvus entraînant de grandes difficultés pour faire fonctionner correctement les services.

Par ailleurs, de nombreux travaux académiques ont confirmé qu’une présence soignante insuffisante auprès des patients hospitalisés se traduit par une augmentation de la mortalité hospitalière et des risques psychiques pour les soignants.

Les preuves scientifiques selon lesquelles un effectif infirmier plus élevé est associé à de meilleurs résultats pour les patients – incluant un nombre moins élevé d’infections nosocomiales, une durée de séjour plus courte, de moindres réadmissions – continuent d’augmenter (Matthew Mac Hugh et al, Lancet 2021 (397 : 1905‑13).

En France, la Haute autorité de santé, dans une étude publiée en 2016 et intitulée « Qualité de vie au travail et qualité des soins » et reprenant une étude de E Dioni et al. de 2014 sur les complications chez les nouveau‑nés ayant besoin d’une ligne intraveineuse permanente, rappelait l’importance de la formation du personnel et celle du travail d’équipe et relevait que la question de la charge de travail a montré un certain nombre d’impacts négatifs. Selon la HAS, « d’autres études d’impact ont établi un lien entre conditions de travail et sécurité du patient, comme les résultats de cette étude qui souligne combien le burn‑out des soignants est corrélé fortement à un risque d’erreurs de raisonnement et un risque pour la qualité du soin ».

Une abondante littérature scientifique en matière de ratios patient par soignant permet d’affirmer que plus il y a de soignants par patient, plus la chance de survie des patients est accrue. En d’autres termes, l’objectif du droit à des soins de qualité n’est rempli qu’à la condition que des ratios efficients aient été respectés.

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’hôpital public relève in fine que « si des marges de manœuvre pour libérer du temps soignant peuvent être obtenues par une simplification et une numérisation des tâches administratives, le renforcement des effectifs est nécessaire pour diminuer la charge de travail des soignants et améliorer les conditions d’exercice auprès des patients ».

Les premières mises en œuvre de politiques de ratios « patients par infirmier » sont intervenues dans les États de Victoria en Australie et de Californie aux USA, à la fin des années 1990. Elles se sont étendues depuis. Étudiant spécifiquement le Queensland (Australie), Mc Hugh et al .(2021) ont trouvé que diminuer d’une unité le ratio « patients par infirmier » en le fixant à 4 pour une journée et 7 pour une nuit – comme l’ont fait 27 des 55 hôpitaux du Queensland en 2016 – entrainait une chute de la mortalité à 30 jours de 7 %, une baisse de 7 % des réadmissions dans la semaine et une durée de séjour réduite de 3 % . Financièrement, cette stratégie a été payante puisque les 33 millions de dollars australiens dépensés sur 2 ans pour employer 167 infirmiers – de manière à diminuer la charge de soins- ont permis de gagner 69 millions en coûts évités.

Instituer des ratios « patients par soignant » permet donc d’améliorer des indicateurs de santé, redonne aux personnels du sens et de la qualité de vie au travail, permet de lutter contre l’épuisement professionnel et constitue un investissement positif en termes financiers.

Le Ségur de la santé a certes permis une revalorisation salariale des professions de soins, mais elle reste toutefois insuffisante pour répondre à la crise de sens que décrivent les personnels hospitaliers et sans impact sur le nombre de patients par soignant.

Face à cette situation, les pouvoirs publics doivent agir pour sauver un service public indispensable à notre société. Des politiques volontaristes existent et ont montré leur intérêt en la matière pour tendre vers un ratio minimal soignants / patients.

Compte tenu de ces éléments et après que l’ensemble des professions soignantes ont été particulièrement exposées au cours de ces deux dernières années, nous souhaitons à travers cette proposition de loi instituer pour chaque spécialité et type d’activité de soin, un ratio minimal de soignants par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires. Ce ratio servira à déterminer le nombre minimal d’infirmiers ou infirmières et d’aides‑soignantes ou aides- soignants de jour et de nuit présents et prévus en équivalents temps plein rémunérés (ETPR). Il sera établi au plan national par la HAS, dont l’indépendance, notamment à l’égard des financeurs, est garantie.

Il en va du maintien dans notre pays d’un niveau de qualité et de sécurité des soins conforme aux attentes de nos concitoyens.