L’entrée en prison reste une épreuve traumatique sur le plan psychique selon cette enquête de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), analysant les ressentis des personnes au début de la détention et durant trois mois.
Reposant sur une démarche longitudinale, cette recherche s’appuie pour l’essentiel sur des observations et des entretiens répétés conduits auprès de 26 personnes incarcérées dans trois maisons d’arrêt sélectionnées pour leurs disparités. L’enquête a été conduite dès leur entrée en prison et jusqu’au terme des trois premiers mois passés en détention, afin d’analyser ce qui se jouait durant ce laps de temps.
Cette recherche adopte une perspective inductive et compréhensive : elle appréhende la santé mentale à travers le regard que portent sur elle les personnes détenues. Elle s’attache à restituer les critères du mal-être et du mieux-être qui sont établis à partir de leurs parcours biographiques, de leurs cadres de compréhension du monde et de leurs usages des catégories médicales en circulation. Elle éclaire également le quotidien carcéral et les différents leviers dont disposent les individus pour s’aménager des marges de liberté qui s’avèrent indispensables à leur équilibre psychique.
À l’issue de cette enquête, cinq principaux résultats émergent :
– Le premier tient à l’expérience éprouvante que constitue l’entrée en prison et le séjour au quartier arrivant. La majorité des personnes interrogées font part d’un quotidien moins douloureux passés trois mois d’incarcération que lors de leur entrée.
– Le deuxième souligne le poids des inégalités sociales dans la capacité à obtenir des formes de soutien psychique et de réconfort. La capacité à supporter l’incarcération, à aménager son quotidien, à trouver du soutien ou à obtenir de l’aide est socialement située.
– Le troisième relève la manière dont la durée de l’incarcération génère des souffrances variables. Les souffrances
carcérales varient sensiblement selon que les personnes détenues sont condamnées pour quelques jours ou plusieurs décennies.
– Le quatrième s’intéresse à la façon dont les différentes architectures carcérales produisent le mal-être des personnes détenues. Cette enquête témoigne de l’importance des dimensions humaines et relationnelles, qui sont souvent jugées plus importantes, pour l’équilibre psychique, que le seul et relatif confort matériel.
– Le dernier éclaire les freins et les leviers qui favorisent ou entravent l’accès aux soins en prison. L’attente d’un rendez-vous médical est rendue d’autant plus insupportable que la solitude et l’enfermement renforcent la souffrance. Si l’incarcération peut être perçue comme une opportunité de débuter des soins, certains détenus ne cachent pas leur désintérêt, leur méfiance ou leur inquiétude à l’égard des professionnels de santé exerçant en prison.
*Ce rapport, qui restitue les résultats du volet qualitatif de l’enquête EPSYLON (épidémiologie psychiatrique longitudinale en prison), propose une analyse sociologique des effets de l’entrée en prison sur la santé mentale des personnes détenues. Financée par la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et portée par la F2RSM Psy, cette enquête, réalisée par Clément Beunas, a été pilotée par Thomas Fovet et a bénéficié de l’appui des membres de l’équipe EYPSYLON Kevin d’Ovidio et Marion Eck, ainsi que de la supervision scientifique de Gilles Chantraine et de Camille Lancelevée.
• Rapport « La santé mentale à l’entrée en maison d’arrêt, une approche sociologique », Clément Beunas. Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France – F2RSM Psy. Septembre 2024. Rapport remis à la Direction de l’administration pénitentiaire.