Plus d’un détenu sur quatre consomme quotidiennement du cannabis

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Les résultats de l’Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI) témoignent d’une exposition importante aux substances psychoactives des détenus hommes majeurs en France hexagonale, toutes durées de peine confondues, quel que soit le type d’établissement et le statut pénal.

Dans son dernier numéro de Tendances publié le 6 mai 2024, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) livre les résultats de son Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI)*, réalisée en 2023, et fournit une analyse des phénomènes observés. Il s’agit de la première enquête statistique qui permet d’estimer, en France, la consommation des sept substances psychoactives les plus couramment consommées.

Très attendue, cette première édition de l’enquête ESSPRI confirme une situation bien connue de la communauté scientifique : qu’il s’agisse de la consommation de produits prohibés en prison, comme le cannabis, ou de la consommation tolérée en milieu fermé, comme celle du tabac, elles dépassent sensiblement les niveaux observés en population générale. Ainsi, le tabagisme quotidien en prison atteint 63 %, soit 2,5 fois plus qu’à l’extérieur. De même, plus d’un quart des détenus consomme du cannabis de manière quotidienne (26 %), soit une prévalence d’usage quotidien du cannabis 8 fois plus élevée qu’en population générale. Cette exposition importante aux substances psychoactives s’explique notamment par la continuité des usages : une grande majorité de ceux qui en ont consommé en prison déclarent, en effet, avoir déjà des consommations considérables avant leur incarcération. La consommation d’autres substances est moindre, voire marginale — l’usage d’une drogue illicite autre que le cannabis (cocaïne, crack, MDMA, héroïne) pendant l’incarcération ne concerne en effet qu’un détenu sur dix.

Les résultats interrogent une éventuelle adaptation des politiques sanitaires en matière de prévention et de traitement des addictions à la réalité des consommations observées. La prédominance de la consommation de tabac, première cause de mortalité évitable chez les adultes, invite à intensifier les actions déjà menées en prison. Si la question des pratiques de consommation à risque comme l’injection reste présente, elle est probablement moins prégnante qu’elle ne l’était au milieu des années 1980. La prévalence très élevée de l’usage quotidien du cannabis en prison nécessite de renforcer les actions de prise en charge thérapeutique de la dépendance à cette substance.

*Pour l’enquête 2023, un échantillon représentatif de 1 094 hommes majeurs incarcérés depuis plus de trois mois en France métropolitaine (tous types d’établissements confondus) a été interrogé. Les femmes ne représentant que 4 % de la population carcérale, une étude pilote a été mise en œuvre auprès d’un échantillon de femmes détenues et livrera ses résultats lors de la prochaine édition, prévue en 2025. Ainsi, le dispositif ESSPRI a pour objectif de s’inscrire dans le paysage des grandes enquêtes statistiques publiques et de fournir des données régulières sur l’évolution de la consommation de drogues en prison.

Spilka S., Morel d’Arleux J., Simioni M., (2024) Les consommations de drogues en prison – Résultats de l’enquête ESSPRI 2023. Tendances, OFDT, n° 163, 6 p.